Dans les syndicats.

Demain, 24 février, c’est une par position commune intersyndicale qu’en France, sont soutenues les manifestations de défense du peuple ukrainien pour le second anniversaire de l’invasion généralisée. CGT, CGT-FO, FSU, Solidaires, CFDT, UNSA, CFTC et CGC ont en effet signé un appel unitaire qui commence par les mots Pour une paix juste et durable : Solidarité avec la résistance des travailleuses et travailleurs ukrainiens ! et se termine par : Solidarité avec l’Ukraine qui résiste ! Solidarité avec les travailleurs Ukrainiens qui résistent ! Respect des droits des travailleurs ! Non à la guerre de Poutine ! Troupes russes hors d’Ukraine ! Paix en Ukraine – Libertés en Russie et au Belarus !

Cette prise de position s’inscrit dans le prolongement du texte adopté en commun par les organisations syndicales l’an dernier, pour le 24 février 2023 – FO était alors revenu sur sa signature. Elle résulte de la pression unitaire par en bas qui s’exerçait alors dans le mouvement de défense des retraites contre Macron, et de l’action des militants syndicalistes membres du Comité français du RESU, le Réseau Européen de Solidarité avec l’Ukraine. C’est un point d’appui important pour l’action internationaliste.

Un point d’appui important, mais avec « deux grandes limites : leur silence sur le besoin en armes, et l’immense conservatisme des milieux militants sur les sujets internationaux, se traduisant en pure et simple ignorance » (Vincent Présumey dans la rubrique Les mots de l’an II, publié par les éditions Syllepse dans la dernière livraison des Brigades éditoriales de solidarité. Soutien à l’Ukraine résistante.

La simple existence de cet appel a suscité une offensive des partisans de l’union sacrée avec le système multipolaire et belliciste des impérialismes, union sacrée qu’ils masquent sous les noms de pacifisme et d’anti-impérialisme. Le POI (Parti Ouvrier Indépendant), garde rapprochée aujourd’hui de J.L. Mélenchon, et la FSM (Fédération Syndicale Mondiale liée aux régimes iranien et syrien, encore active dans la CGT), sont passés à l’action, de manière coordonnée.

Le 12 févrierInformations Ouvrières (journal du POI), accusait l’intersyndicale, ainsi que la Ligue des Droits de l’Homme, de « se ranger derrière Macron et l’armée des USA », et de s’aligner, dans le plus pur vocabulaire du FSB, sur les suppôts de « Stepan Bandera », prétendant que les USA bombardent l’Ukraine, la Syrie, le Yémen, ignorant toutes les interventions impérialistes russes, et utilisant comme fétiche et comme bouclier le « génocide à Gaza ».

Instrumentaliser ainsi la nation palestinienne est la dernière chose dont ont besoin les Palestiniens, car il est faux que l’Ukraine soit inondée sous les armes de « l’OTAN » : bien au contraire le combat des défenseurs du droit des peuples exige que des armes lui soient livrées sans condition, et qu’elle ne soient pas fournies à l’armée israélienne qui bombarde et rase Gaza exactement comme Poutine a bombardé et rasé Marioupol.

Dans la foulée, une « note Ukraine » était produite par la direction de l’UD CGT des Bouches-du-Rhône, reprenant les mensonges du POI, cette fois-ci au compte d’un secteur de la CGT, sur le caractère de la manifestation du 24 février et sur les prétendues livraisons massives d’armes à l’Ukraine quand la politique des puissances impérialistes nord-américaine et européennes est de rationner l’Ukraine pour sauver Poutine, conduisant ainsi à imposer des négociations reconnaissant ses conquêtes.

Ce résultat réel de la politique des gouvernements « occidentaux » que le POI et l’UD 13 de la CGT prétendent combattre rejoindrait l’intérêt de Poutine : un cessez-le-feu en Ukraine qui serait son salut. A l’inverse de l’exigence de cessez-le-feu à Gaza, qui stopperait le massacre des Gazaouis et faciliterait la lutte pour le départ des colons de Cisjordanie, la libération des otages du Hamas et des prisonniers politiques palestiniens en Israël, le cessez-le-feu en Ukraine garantit la poursuite de la purification ethnique, des déportations d’enfants, des viols et des tortures. Associer les deux – comme on peut également le lire dans un appel récent de l’UD FO de Loire-Atlantique – c’est en réalité enfoncer un poignard dans le dos des Palestiniens comme dans celui des Ukrainiens.

De sorte que quand l’UD CGT 13 termine son appel par les beaux mots : La paix pour toutes et pour tous, partout ! elle n’agit pas en réalité pour la paix, mais pour la poursuite de la destruction de l’Ukraine qui prépare de nouvelles guerres en Europe et en Asie.

Or, force est de constater que la conjonction des forces des dits « trotskystes » dirigeant le POI et des staliniens et stalinisants de la FSM n’a pas abouti à modifier la prise de position des centrales syndicales françaises. Au lendemain du Comité Confédéral National de la CGT, l’appel au 24 février figure en bonne place sur le site confédéral de la CGT aux côtés de l’appel au cessez-le-feu à Gaza, et sur le site de la FSU. FO est pour le moins discrète, mais n’est pas à ce jour revenue sur la signature d’une prise de position commune qui a d’ailleurs tenu compte de ses amendements.

Plus encore : la prise de position intersyndicale a sans doute joué dans une évolution notable du Mouvement de la Paix lui-même, revenant à des positions plus proches d’un pacifisme effectif en appelant à son tour à la manifestation du 24 février sur la formulation suivante : « Cessez le feu immédiat – Retrait des troupes russes de l’Ukraine – solution négociée ouvrant la voie à une paix juste et durable », également signée par la CGT, la FSU et Solidaires dans le cadre du « Collectif des Marches pour la Paix ». Cette formulation est, assurément, ambigüe, mais le texte dénonçant bien « l’agression de la Russie contre l’Ukraine », n’a pas plu aux tenants de la ligne antérieure du Mouvement de la Paix (celle de l’année dernière), associés aux pires complotistes brunissant façon Michel Collon, qui appellent à leur propre rassemblement à 15 h., sur le mot d’ordre d’étouffement militaire de l’Ukraine maquillé en « abolition du commerce des armes ».

Ainsi donc, la Sainte Alliance des staliniens maintenus et des ci-devant « trotskystes » n’est pas parvenue à casser le point d’appui internationaliste des positions formellement prises par les centrales syndicales en France. Mais tant que nous n’aurons pas fait de ces positions formelles des engagements réels, tout cela restera extrêmement précaire.

Aux Européennes : l’Ukraine entre LFI et le NPA.

Ladite Sainte Alliance vient, cependant, d’obtenir un résultat dans un autre champ : celui des discussions entre organisations politiques en vue des élections européennes. C’est là un sujet sur lequel nous reviendrons très bientôt car s’il est clair que ce scrutin ne porte en lui aucune perspective politique et sert avant tout à parler et faire parler d’autre chose que de la nouvelle montée des affrontements sociaux qui, seule, est potentiellement porteuse d’une issue contre Macron, contre le RN et contre leur régime, celui de la V° République, il est clair aussi que ses résultats possibles aux plan français, européen et global auront des conséquences. Nous l’abordons donc ici par le petit bout de la lorgnette, mais c’est un bout tout à fait significatif.

Voici de quoi il retourne : la direction de LFI vient de couper court aux discussions engagées avec le NPA, à la demande de celui-ci, en vue d’une liste commune à ces élections européennes. Le NPA (l’organisation de ce nom publiant l’Anticapitaliste) disait vouloir former un bloc de la « gauche de rupture », contre la gauche-pas-de-rupture, considérant donc la LFI comme porteuse de ladite « rupture ». Or, la fin de non-recevoir de la LFI met en avant un point central : l’Ukraine. Le NPA aurait refusé de mener campagne contre l’admission de l’Ukraine dans l’UE, thème récemment martelé par J.L. Mélenchon et Manuel Bompard à la suite … des dirigeants capitalistes de la FNSEA.

Les camarades du NPA auraient tort de considérer que ce ne serait qu’un prétexte. Les mêmes forces à la manœuvre dans les organisations syndicales CGT et CGT-FO ont ici estimé qu’associer les camarades du NPA aux militants de LFI serait contradictoire à leur orientation, toute de participation à l’ordre multipolaire impérialiste, et toute de respect du cadre et du calendrier institutionnel de la V° République, et ils ont estimé que le sujet le plus brûlant manifestant cette contradiction possible, c’est l’Ukraine. Un prétexte, vraiment ? Mais alors, pourquoi précisément ce prétexte ?

La meilleure chose qui pourrait arriver aux camarades du NPA serait que, toutes et tous, ils saisissent vraiment toute l’importance de cette question sur laquelle en creux la direction de LFI vient opportunément d’attirer leur attention …