Lundi 4 septembre, le Ministère des Affaires étrangères cubain a publié le communiqué suivant :
Cuba s’oppose au trafic d’êtres humains à des fins de recrutement militaire.
Le ministère de l’Intérieur a détecté et travaille à neutraliser et démanteler un réseau de trafic d’êtres humains qui opère depuis la Russie afin d’incorporer des citoyens cubains qui y vivent, et même certains qui vivent à Cuba, dans les forces militaires qui participent aux opérations militaires en Ukraine. Des tentatives de cette nature ont été neutralisées et des poursuites pénales ont été engagées contre les personnes impliquées dans ces activités.
Les ennemis de Cuba diffusent des informations déformées qui cherchent à ternir l’image du pays et à le présenter comme complice de ces actes que nous rejetons fermement.
Cuba a une position historique ferme et claire contre le mercenariat et joue un rôle actif au sein des Nations Unies dans le rejet de cette pratique, étant l’auteur de plusieurs des initiatives approuvées dans ce forum.
Cuba ne prend pas part à la guerre en Ukraine. Il agit et agira fermement contre ceux qui, sur le territoire national, participent à toute forme de trafic d’êtres humains à des fins de mercenariat ou de recrutement, pour entrainer les citoyens cubains à prendre les armes contre quelque pays que ce soit.
La Havane, le 4 septembre 2023.
Notre commentaire
La cause de ce communiqué est bien sûr que comme la masse des Russes rechigne à aller à la guerre, qu’un million ont émigré, que le recrutement plus ou moins contraint de peuples colonisés par la Russie, Tchétchènes, Bachkirs, Bouriates, Kalmuks, Sakhas, Abkhazes, Ossètes …, le peuple des prisons, et les rafles de migrants d’Asie centrale, comme chair à canon, ne suffisent pas, et que Poutine craint de prendre des mesures de mobilisation générale qui provoqueraient peut-être des protestations massives si elles s’appliquent à Moscou à à Saint-Pétersbourg, donc, les agences russes cherchent à recruter des Cubains. Ces agences sont des officines du type « Wagner ».
Cette prise de position du gouvernement cubain est de fait un acte de souveraineté anti-impérialiste et le conduit à affirmer que Cuba ne prend pas part à cette guerre. Dans le monde impérialiste multipolaire de Poutine, Cuba n’a pas sa place.
Arguments pour la lutte sociale 
Malheureusement c’est l’image résiduelle d’un Cuba qui n’a jamais vraiment existé qui n’a pas sa place, ou alors (et évidemment) le peuple cubain, qui n’a « pas sa place » ; mais si on entend par Cuba le régime réellement existant, il A TOUTE SA PLACE dans le monde multipolaire de Poutine… s’il sait « rester à sa place ». Ce communiqué du gouvernement cubain répond à la montée des protestations, depuis l’exil aux US et au Mexique, de parents et grands-parents de jeunes qui étaient restés à Cuba, ont été enrôlés de force en Russie via des réseaux para-étatiques, et se sont débrouillés pour le dénoncer depuis un hôpital après avoir échappé au front parce que tombés malades dans l’entraînement militaire. Du reste, ce communiqué a été repris d’ailleurs la bouche en cœur sur le moment par toutes les agences de presse libérales US type Reuters (mais il y a eu peut-être des enquêtes plus sérieuses depuis), dans les mêmes termes, type « Cuba met à nu un réseau de trafic de jeunes » – et ils ont effectivement arrêté 17 personnes -, mais cela fait plusieurs semaines que ça dure et les jeunes apparus sur les réseaux ont dit qu’ils étaient 200 dans l’avion La Havane – Moscou qu’ils ont pris. Récemment, les Russes ont eux aussi publié un communiqué, à peu près dans les mêmes termes, disant en gros « c’est pas nous »… De ce que j’ai pu recouper, il y a deux modes de recrutement de Cubains en Russie :
– l’un qui est le même pour tous les migrants y vivant déjà, qu’ils soient Africains, Centre-Asiatiques ou… Cubains – lesquels n’ont pas besoin de visa pour y aller et passent par là souvent pour s’exiler ensuite en Europe (ce qui en dit long sur le niveau de désespérance) -, auxquels l’État russe promet très officiellement plus de 2000 euros d’entrée de jeu s’ils s’enrôlent, puis 2000 / mois, le droit de faire venir toute leur famille de l’étranger et la nationalité russe… et il y a au moins plusieurs dizaines de Cubains y vivant déjà avant la guerre qui se sont enrôlés – et là, on a des cas depuis avant le début de l’été, le gouvernement fait cyniquement semblant de le découvrir, mais il sait parfaitement tout cela, d’autant que les accords militaires ont été renforcés tant avec la Russie que la Biélorussie (et par ailleurs entre ceux-ci et le Venezuela aussi) ;
– le mode de recrutement dénoncé par les jeunes qui ont suscité le « scandale » des familles sur les réseaux et obligé du coup le gouvernement à réagir officiellement, mode de recrutement si on veut officieux ou « para-étatique » mais passant via des agents en uniforme de part et d’autre – une fonctionnaire russe via les chaînes Whatsapp et un militaire cubain à l’atterrissage à Moscou -, sans doute motivés par des primes fonction de combien de gens ils envoient à la guerre, lesquels ont promis à des centaines de jeunes Cubains sur l’île les mêmes conditions que celles des migrants s’enrôlant… mais sans leur dire qu’ils partaient à la guerre, seulement travailler comme ouvriers dans la construction, après quoi on les a accueillis à l’aéroport en leur prenant leurs papiers, forcés à signer des contrats dans une langue inconnue (bien sûr, ils n’ont pas fait la fac et parlent encore moins le Russe, c’est l’exact contraire des enfants de la nomenklatura et membres des « Jeunesses communistes), et envoyés à l’entraînement militaire.
Or, quand on sait un peu comment l’île est quadrillée par les services de renseignement – officiels et officieux, payés et « volontaires » -, c’est parfaitement IMPOSSIBLE que le gouvernement, ou du moins certaines autorités des villes concernées, ne savaient pas ce qu’il se passait…
SOURCES :
– sur cet enrôlement officieux récent, au moment où il a été dénoncé par deux jeunes de 18 et 19 ans depuis la Russie : https://diariodecuba.com/cuba/1693480838_49485.html ;
– les enquêtes en cours telle que rapportées par la presse « occidentale », pour l’heure pas très distante ni sceptique des réponses : https://www.bbc.com/mundo/articles/crg3jzl45e7o ; https://www.bbc.com/mundo/articles/c88j392mkgpo ;
– sur les Cubains vivant déjà en Russie et partis au front plus tôt dans l’année : https://diariodecuba.com/cuba/1684948367_47372.html ;
– sur les accords avec le Biélorussie :
https://diariodecuba.com/cuba/1692818046_49326.html ;
– sur les accords Russie-Cuba-Venezuela :
https://diariodecuba.com/cuba/1685127117_47395.html
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PS: dans mon commentaire précédent je ne dis pas forcément que « le gouvernement cubain » est complice » de cet enrôlement, mais il l’est bel et bien de celui, à distinguer et préalable – et qui permet de leurrer les jeunes concernés ici – de celui de migrants Cubains vivant déjà en Russie avant la guerre ; et il est a minimum responsable de celui-ci, plus mafieux, étant donné qu’on ne voit pas comment les « services » ou « organes » (G2) ne pouvaient pas savoir… responsable par omission, sans doute par peur de faire des vagues… mais obligé de réagir une fois que ça s’est su…
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