Sur le site du bureau eurasien de la FSM, animé notamment par Aïnour Kurmanov, un article sur la réémergence massive des syndicats indépendants dans leur berceau historique, où la répression les avaient fauchés en 2011 : la ville de Zhanaozen et la province occidentale, pétrolière et gazière, du Mangistau.

L’explosion de début janvier 2022, conduisant à l’intervention russe à Almaty, est partie de là … et elle s’y poursuit ! Contre la répression, et pour leurs revendications – doublement des salaires, nationalisation des trusts énergétiques vendus par le régime Nazarbaiev au capital étranger et à ses sbires, du travail pour les chômeurs et les travailleurs indépendants qui sont en général d’anciens ouvriers et employés des ces entreprises – c’est un mouvement profond et invaincu.

Nous publions donc ici des informations provenant d’un secteur de la FSM, qui ne sont pas à notre connaissance traduites en français par ailleurs ! Et nous nous permettons d’y ajouter cette remarque : ces grèves, ces syndicats, sont une épine dans le pied de Poutine au moment précis où il menace de guerre l’Ukraine !

Traduit du russe par Karel Kostal.

LES GRÉVISTES ONT DÉCIDÉ DE CRÉER UN SYNDICAT INDÉPENDANT, ET LES CHÔMEURS REFUSENT TOUTE CONFIANCE A LA COMMISSION D’ÉTAT

Dans la région de Mangistau [région gazière et pétrolière des rives de la Caspienne et de l’ouest kazakh, NDR], les grèves des travailleurs de Burgylau LLP, une usine de tuyaux en fibre de verre, des sauveteurs, pompiers et agents de sécurité de KMG Security, ainsi que des employés de RTsKU-Aktau LLP, se poursuivent, et un rassemblement de durée illimitée de chômeurs et de travailleurs indépendants se poursuit le jour et la nuit près de l’akimat de Zhanaozen [sur la place publique, NDR]

Les foreurs de Burgylau LLP se sont mis en grève le 9 février pour exiger la nationalisation de leur entreprise. Il est à noter que ce collectif ouvrier a été le premier à porter cette revendication dès 2008, lorsqu’il a organisé une grève massive. Lors d’une réunion le 10 février, les grévistes sont allés encore plus loin et ont exprimé leur manque de confiance envers leur comité syndical officiel et son président, membres de la Fédération jaune des syndicats du Kazakhstan. 

De plus, ils ont décidé de former leur propre syndicat indépendant et ont créé un comité pour préparer la conférence et élire les dirigeants. Dans le même temps, les grévistes ont appelé tous leurs frères des autres collectifs à suivre leur exemple et à quitter la Fédération des syndicats du Kazakhstan [issue des syndicats officiels de l’ex-URSS, NDR], créant leurs propres syndicats indépendants sur le terrain.

Il est à noter que les travailleurs de RTsKU-Aktau LLP, qui ont formulé le 9 février leur demande d’augmentation des salaires et appelé à les rejoindre dans la production principale représentée par Kazakhgas, se sont mis en grève et ont construit des tentes le 10 février juste à côté du bureau de l’entreprise. Ainsi, les employés ont montré le sérieux de leurs intentions et qu’ils n’allaient pas partir même la nuit, organisant des piquets et des réunions constants.

Il semble que sous l’influence des rassemblements et des grèves dans la région de Mangistau, les travailleurs d’autres régions aient commencé à présenter les mêmes revendications. Ainsi, dans la région voisine d’Akiube, le 10 février, les employés de QazServiceGroup LLP, qui fournit des services de facturation à l’opérateur gazier KazTransGas, ont exprimé leur mécontentement face au maigre salaire. Ils ont exigé une augmentation de salaire de 100 %, car il n’atteint même pas 70 000 tenge. 

Au même moment, lors d’un rassemblement de chômeurs à Zhanaozen, ses participants ont exprimé leur méfiance à l’égard de la commission créée par l’akimat de la région de Mangystau [autorité régionale, NDR]. Les autorités n’ont pu fournir que 161 emplois, alors qu’il y a plusieurs milliers de chômeurs officiels dans la ville, sans compter les dizaines de milliers d’indépendants. Les représentants de l’akimat de la région ont été simplement hués, puis escortés hors du rassemblement.

L’un des dirigeants du mouvement des chômeurs de la ville, Zhanabay Nugymanov, a exhorté à ne pas se disperser et a noté que cette commission « ne résout rien » et « parle dans le vide ». Au nom de l’assistance, il a exigé l’arrivée à Zhanaozen du chef de la compagnie pétrolière nationale et du nouveau secrétaire d’Etat.

« La commission ne décide rien. Que le directeur général de KazMunayGas Alik Aidarbayev et le secrétaire d’État Yerlan Karin viennent de la capitale, écoutent les gens et répondent à leurs demandes. Nous ne faisons pas confiance à cette commission », a déclaré Nugymanov. 

Il semble que le processus de négociation entre les manifestants et les autorités de la ville et de la région soit dans une impasse complète et les manifestants ne s’assiéront à la table qu’avec des représentants du gouvernement central. Ainsi, les rassemblements qui durent depuis plus de 10 jours vont se poursuivre avec une vigueur renouvelée et peuvent couvrir d’autres localités de la région, et les grèves peuvent s’étendre aux régions voisines, comme ce fut le cas en janvier dernier.