L’annonce d’une candidature aux élections présidentielles, celle d’Anasse Kazib (du « Courant Communiste Révolutionnaire » du blog Révolution permanente) qui dit vouloir l’investiture du NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste), n’a certes apporté aucune lumière à la perspective de ce scrutin clef de la V° République, mais pourrait bien avoir ouvert une phase critique de ce qu’il est convenu d’appeler la « crise du NPA ».
La crise du NPA est un sujet que les camarades du comité de rédaction d’Aplutsoc suivent avec intérêt et discutent fréquemment, mais sur lequel nous n’avons pas écrit jusqu’à ce jour, en raison d’une retenue causée par une raison fondamentale.
C’est qu’il s’agit d’une mauvaise nouvelle, et que tout ce qui pourrait ressembler au fait de donner des leçons ou de vouloir « récupérer », est à bannir. Car le NPA, comme tout ce qui relève du mouvement ouvrier, fait d’une certaine façon partie du patrimoine qui nous est commun.
La naissance du NPA en février 2009, résultait d’un élan qui, par-dessus les près de 5%, pour la deuxième fois consécutive, d’Olivier Besancenot aux présidentielles de 2007, renvoyait aux plus de 10% des candidatures « trotskystes » à celles de 2002, dont l’écho fut immédiatement noyé dans le bruit du second tour Chirac/Le Pen. Il renvoyait aussi à l’action commune, sur le terrain, de centaines des milliers de travailleurs, de jeunes, de syndicalistes, dans les grandes poussées sociales de 1995, 2003, 2006, sans oublier la victoire du Non au Traité constitutionnel européen, et à Chirac, de 2005. C’est pourquoi plus de 10 000 travailleurs et jeunes se sont alors regroupés, entourés de l’intérêt et de la sympathie de centaines de milliers, voulant donner une expression directe aux colères populaires et à la conscience ouvrière du moment, dans l’espoir d’un parti à la fois révolutionnaire et démocratique offrant une perspective d’affrontement avec le capital et avec le régime de la V° République.
Cet élan initial s’est assez vite heurté au fait que la majorité de l’ancienne direction de la LCR a misé sur des projets d’alliances au sommet visant à occuper un espace politique « à la gauche de la gauche », en particulier avec J.L. Mélenchon – rappelons que la proclamation du NPA date de février 2009, la sortie de J.L. Mélenchon du PS, opposant de longue date dans le PS mais ministre dans le gouvernement Chirac/Jospin en 1997-2002 puis soutien de la candidature Royal en 2007, s’étant produite quelques mois plus tôt et ayant ensuite conduit à la formation du Front de gauche sur l’horizon des européennes de 2009 puis des présidentielles de 2012. La minorité et de nombreux militants de base ne misaient, eux, que sur les luttes, les uns et les autres n’arrivant donc pas à mettre en application l’objectif promis du NPA, c’est-à-dire se faire l’expression politique des luttes mais aussi de la conscience du prolétariat, et donc imposer l’unité à Mélenchon sur la base des aspirations et des revendications populaires qui s’exprimaient dans les grèves et dans la rue (et donc y compris à la base de son propre courant,) dans la perspective de renverser le régime, en menant donc une bataille de l’unité gagnante.
Le drame est, en somme, qu’entre ces deux positions, alliance politicienne ou repli sur « les luttes », un moyen terme les dépassant, une politique s’appuyant sur la conscience ouvrière et l’exprimant en posant l’objectif de renverser ce régime et d’aider la majorité sociale à prendre le pouvoir, orientation susceptible d’imposer l’unité à J.L. Mélenchon dans cette direction-là, et en tous cas de donner une perspective et donc de gagner la bataille de l’unité, ne se soit pas dégagée. Cela aurait pu consister dans un journal qui soit réellement l’émanation de l’action et des expériences de base de chaque comité, confrontant et unifiant celles-ci (sans les uniformiser) sur l’affrontement politique et social (indissociablement) avec le pouvoir existant. C’était difficile spontanément, et la direction issue de la LCR n’était pas formée par son histoire à travailler de cette façon-là, ayant l’habitude, qui perdure, de séparer alliances électorales avec concessions mutuelles, d’une part, et action directe dans la lutte des classes, d’autre part.
Ces questions nous sont d’autant moins étrangères qu’Aplutsoc est formé autour d’une idée clef : à partir des luttes réelles et de chaque revendication, en s’appuyant, exprimant et tirant la conscience politique générale et convergente qui s’exprime dans les luttes sociales et se nourrit des scandales politiques, poser la question du pouvoir, dessiner la perspective de l’affrontement avec l’Etat du capital, et faire de cette méthode le moyen du regroupement de militants de cultures et de traditions politiques diverses. Ce n’est pas forcément facile mais comment faire autrement ? Encore faut-il pour cela penser réellement que la révolution est le contenu de notre époque.
Le NPA a donc été tronqué et ralenti précocement. Cela dit, ce que représentent les images d’Olivier Besancenot et de Philippe Poutou va bien au-delà. Il ne fait aucun doute que les centaines de milliers de jeunes, de travailleurs, qui furent alors intéressés et presque disponibles si une perspective révolutionnaire concrète et efficace s’était dessinée, n’ont pas disparu. Nous pensons même qu’ils sont plus nombreux, au-delà des mots employés, comme l’a montré par exemple le mouvement des Gilets jaunes.
A partir de là la quasi partition du NPA entre la « majo » relative issue de la LCR et les groupes opposants, ne datait pas de cette année. La renonciation au débat de fond est dommageable car celui-ci est nécessaire, nécessaire pas que pour le NPA, mais pour nous tous, les militants ouvriers, car ce sont des problèmes qui nous sont tous communs. Se faire dicter le timing par les délais de candidatures aux présidentielles, n’arrangerait rien, au contraire. En cas d’éventuel éclatement du NPA, l’ancienne « majo » allant se regrouper avec les courants en fait similaires qui l’avaient quitté depuis 2010, pendant que la candidature d’Anasse Kazib « déboucherait », non sur une vraie candidature, mais sur l’auto-proclamation d’un tout petit « parti révolutionnaire » de plus, mais aussi avec le prolongement indéfini de la paralysie-partition actuelle, il reste alors des milliers de militants et de sympathisants, dans tous les courants d’ailleurs comme hors d’eux, auxquels on aura confisqué un instrument politique qu’ils avaient voulu.
Nous nous permettons de dire à tous et à celles-là et ceux-là en particulier : vous valez quelque chose, vous valez beaucoup, ne vous dispersez pas, ne laissez pas se dissoudre, par les conflits artificiels ou par le découragement, les liens que vous avez tissés, préservez vos réseaux de lutte de classe, et, nous, Aplutsoc, pour ça, pour ce qui fut votre projet, pour la révolution, pour l’affrontement avec le régime de la V° République, votre devenir pour nous est important, nous sommes avec vous, nous voulons appuyer vos efforts – actuels ou à venir -, parce que le regroupement de toute notre classe pour l’affrontement révolutionnaire, c’est possible c’est nécessaire, c’est l’avenir, ça peut même être maintenant !
Il y a beaucoup de questions de fond à résoudre, pour que le mouvement révolutionnaire marxiste devienne adulte.
L’une tient dans ce passage du manifeste du parti communiste :
« Ils combattent pour les intérêts et les buts immédiats de la classe ouvrière ;// mais dans le mouvement présent ils défendent et représentent en même temps l’avenir du mouvement//. En France, les communistes se rallient au Parti démocrate-socialiste [1] contre la bourgeoisie conservatrice et radicale, // tout en se réservant le droit de critiquer les phrases et les illusions léguées par la tradition révolutionnaire. »
Le parti démocrate-socialiste étant représenté par … Ledru-Rollin !
(les césures // sont de mon cru).
Il n’y a probablement AUCUN intérêt à présenter à l’élection présidentielle un candidat du NPA. Tout comme, naguère, présenter un candidat du PT (OCI). Il n’y en a jamais eu. La LCR, le NPA, Lutte Ouvrière ont présenté des candidats depuis 50 ans. Ils ont fait des scores qui, aujourd’hui, paraissent assez considérables, puisqu’ils dépassent de loin ceux du PCF !
Cela a apporté quoi au mouvement ouvrier ? A mon avis, rien. Et à eux-même, à leur construction comme parti ouvrier ? Rien non plus.
Si l’on considère la partie 3 de la phrase du Manifeste que je cite, le POI a eu raison de soutenir Mélenchon en 2016. Mais il n’a RIEN fait qui ressemble à la partie 4, et cette absence de critique est redoutable. Elle exprime (en tous les cas je la ressent ainsi) un immense mépris, quelque chose comme : « que pourrions-nous dire à « ces gens-là » « .
Ce silence s’est poursuivi dans les années suivantes. Aujourd’hui, le POI se dispose de manière à ne rien dire à propos de l’élection présidentielle. Ce serait un abandon de terrain inexcusable.
Mais il y a d’autres points à traiter dans une discussion « sur le fond ».
On ne va pas « renverser le régime ». On pourrait obtenir un succès électoral. Il ouvrirait une période très dangereuse pour les classes dominantes, et aussi pour les classes exploitées. Pour ces dernières, le risque d’être rejeté en arrière. Pour les premières, le risque que le mouvement aille plus loin sur le chemin du changement de système social. Même un tel évènement ne constituerait qu’une étape : la lutte pour RENVERSEMENT du régime de la propriété privée du Capital se jouerait longtemps encore sur le plan international.
Je cite encore un autre point : le mouvement où j’ai été actif pendant une vingtaine d’années se revendiquait de la conception léniniste du Parti.
Conception conçue à partir, je crois, de la situation en, disons, décembre 1917 : au moment où, pour quelques années, le parti est relativement soudé autour de Lénine, et de Trotsky. Mais même alors il y avait de profonds désaccords (par exemple sur l’attitude vis à vis des SR de gauche). Le POSDR n’a pas fonctionné ainsi (comme un « parti léniniste ») et c’était pourtant un mouvement clandestin. De là nous avons déduit qu’il existe une LIGNE juste, qu’un peu à droite, un peu à gauche, un peu au dessus ou en dessous de cette ligne, on est dans l’erreur, sous l’influence des classes dominantes. D’où les anathèmes, les exclusions, les scissions.
Un parti adulte, conciliant le droit d’avoir, sur tel ou tel point, des vues différentes et même de s’organiser en tendances, avec la nécessité de conserver une unité fraternelle active dans le combat de classe, un tel parti, un tel mode de fonctionnement, reste à inventer. Il est vrai que le NPA l’a tenté.
Sans doute la question n’a-t-elle pas été assez creusée. Le fond en question est peut-être redoutable, il concerne LA VERITE. Peut-être qu’une certaine dose d’agnosticisme est requise : sur différents points ON NE SAIT PAS. Nous nous réclamons du socialisme scientifique. Or s’il y a une chose qui caractérise les scientifiques c’est qu’ils avouent facilement NE PAS SAVOIR.
Il y a un autre aspect, c’est la question des IMPLICATIONS. Dans nos mouvements, il n’existe pas de divergence mineure, car telle position implique logiquement telle autre jusqu’à impliquer une remise en cause … de notre position de classe. Or ces raisonnements sont abstraits, et par là, faux. Dans la vie réelle, il n’y a jamais une telle cohérence logique.
On peut estimer qu’il faut se présenter à la présidentielle (ce qui, selon moi, est une erreur), et pourtant être d’accord avec la partie 3 de la phrase citée.
Je déplore que les communistes (au sens de Marx) du POI, du POId, du NPA et autres, ne débattent pas, fraternellement, quand bien même ils subsisterait des divergences, et ne trouvent aucun moyen d’agir, au moins parfois, ENSEMBLE.
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Salut camarades,
Comme ancien militant de la LCR, pendant 20 ans, je remercie cet article de la rédaction d’Aplutsoc… Qui redonne le moral et le sens du combat… Pas que pour le NPA d’ailleurs…
Déjà à la « Ligue », nous n’étions pas toujours d’accord sur tout, je me souviens en 1988, avoir appartenu à la « Fraction », pour la campagne Arlette contre celle de Juquin… Mais les tensions étaient moindres pas sûr, mais la Ligue n’était pas en péril à mon sens ! Nous avions continué la lutte commune.
Courage camarades du NPA ! Et vive la Révolution ! et on scandait « Tout est à nous, rien n’est à eux, tout se qu’ils ont, ils l’ont volé » ! A quand la fin du règne de la bourgeoisie et des ploutocrates ?
Fraternellement,
Laurent Gutierrez
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C’est trop tard. Si la scission explosion n’est pas encore formulée par les mots elle est déjà un fait, des actes . Les conséquences se déclineront par les circonstances locales. Le débat déjà tendu autour de la dérive électoraliste et pro Melanchon de la direction majo est devenu explosif suite à l’incapacité politique du NPA d’être présent et créateur au sein des Gilets Jaunes. Comme beaucoup d’autres courants de » goche » le NPA parle des quartiers populaires, se revendique des quartiers populaires sans jamais y foutre les pieds.
Dans cet conditions le toboggan électoraliste était inévitable et l’explosion prévisible. Le mouvement ouvrier ne doit jamais se séparer du peuple sous peine de disparaitre . R I P.
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