États-Unis.
Voir ci-après complément du jeudi 5 novembre au matin.
Les bonnes tragédies sont les tragédies annoncées. Ce qui s’est passé ces 3 et 4 novembre aux États-Unis était annoncé, mais ça s’est passé.
Le vote dans les urnes a vu une forte résistance de Trump. Avec 3 millions de voix de moins que Biden – un million de plus que ce dont le distançait Clinton en 2016 – Trump, en raison du caractère fédéral tout à fait réel des États-Unis (comme leur nom l’indique !), pouvait espérer l’emporter au niveau des grands électeurs, surtout après avoir regagné la Floride en faisant mentir les sondages. En fait, le vote Biden n’est majoritairement pas un vote d’adhésion, mais un vote anti-Trump.
Comme prévu, la poursuite des décomptes et l’arrivée des plus de 100 millions de votes par correspondance poussent à la défaite de Trump non seulement en nombre de voix (ce qui est le cas) mais en nombre de grands électeurs (ce qui est la condition sine qua non, constitutionnellement, de sa non élection). Le sachant fort bien, Trump s’est déclaré vainqueur (à 8H20, heure de Paris), annonçant que le reste des bulletins à dépouiller était de la fraude, demandant l’arrêt du dépouillement, et affichant son intention de saisir la Cour suprême « ultra-conservatrice ». A cet instant, le coup d’État a commencé.
Comment a réagi Biden ? En appelant à patienter et à poursuivre le dépouillement. Depuis, les résultats défavorables à Trump dans le Wisconsin et le Michigan l’ont conduit à demander le recomptage. La Pennsylvanie s’annonce décisive.
La réaction de Biden est dans la tonalité de toutes les capitulations terrorisées des Démocrates devant les petits putschs constitutionnels des Républicains, comme en 2000 en Floride, sauf que cette fois-ci c’est beaucoup plus grave.
Prend alors tout son relief la déclaration solennelle de l’AFL-CIO : « La leçon de notre histoire est claire. Les démocraties ne sont pas, en fin de compte, protégées par les juges, les hommes de loi, les reporters et les éditorialistes. La survie de la démocratie dépend de la détermination du peuple travailleur à la défendre. Et le mouvement ouvrier américain est déterminé à défendre notre République démocratique. »
Certes, avec Biden, la direction de l’AFL-CIO, terrorisée, veut éviter à tout prix l’affrontement. Mais pour calmer ses structures d’où montent les appels à l’action, elle a dû publier ces propos qui veulent dire : ce n’est pas Biden qui va affronter Trump. C’est nous-même, la classe ouvrière organisée, avec la jeunesse, avec Black Lives Matter, l’heure est au combat !
Aux unions locales de Rochester et de Seattle, à l’ouest du Massachussets et au Vermont, s’ajoutent les appels à l’action des syndicats des instituteurs de Chicago, des enseignants et des électriciens de Richmond qui appellent, sans un mot pour Biden, à affronter « la dictature » et à défendre « le droit de vote des noirs et des latinos » en réunissant des assemblées de syndiqués ouvertes aux non syndiqués pour préparer la « grève du front uni de la classe ouvrière », les syndicats AFL-CIO de la côte texane qui appellent à envisager grève et « action directe », ceux de San Francisco qui appellent à manifester dès aujourd’hui, etc., etc. Ce qui se passe dans l’AFL-CIO est sans précédent. Voir le site Labor Action To Defend Democracy ou sa page Facebook
Il s’agit d’un ébranlement des cadres organisateurs de la classe ouvrière, les uns qui suivent en faisant des phrases et en espérant ne pas avoir à passer aux actes, d’autres, de plus en plus nombreux, qui veulent les actes, et qui parlent explicitement de la nécessité d’aller vers « la grève générale aux États-Unis ».
Cet ébranlement va aller à la rencontre du mouvement social qui, déjà, l’a nourri, celui des près de 30 millions de manifestants qui ont déferlé depuis juin.
Seule cette puissance sociale peut assurer un décompte honnête du vote et, dans ces conditions, Biden, qui va combattre la classe ouvrière, aura été mis à la présidence par son action. Comme l’AFL-CIO a été obligée de le dire, ce n’est pas la bataille juridique qui décidera de l’issue, c’est la puissance sociale du labor, polarisant le peuple américain, qui décidera de la bataille juridique et chassera Trump de la Maison blanche qu’il a fait barricader dans la journée du 2 novembre, érigeant un de ces murs qu’il affectionne tant et dont il voudrait quadriller le pays et le monde.
Complément Jeudi 5 novembre matin :
Algérie.
Plus de 76% des Algériennes et des Algériens ont activement refusé de voter au référendum bidon de reconduction de la clique au pouvoir, de ce 1er novembre. Par rapport aux moins de 24% de votants, il y a eu un peu plus de 66% de Oui et de 33% de Non.
Encore et toujours et plus encore, le régime algérien, bâti sur la confiscation de l’indépendance, est illégitime et rejeté par la nation. Le Hirak va continuer, sous des formes qui vont se dessiner dans les prochains jours et semaines.
Pologne.
Depuis deux semaines des millions de femmes, et d’hommes avec elles, ont manifesté contre le pouvoir polonais qui a voulu interdire complètement le droit à l’avortement.
C’est le plus grand mouvement social polonais depuis l’organisation des ouvriers, des paysans et des étudiants en masse dans Solidarnosc en 1980. Un mouvement dirigé contre le pouvoir autoritaire et contre l’Église catholique, bloquant des routes, et envisageant la grève. Cela au moment même où la plus grande reprise du combat de la classe ouvrière en tant que telle, en Europe centrale et orientale, est engagé dans le pays voisin qu’est la Bélarus. Dans les deux mouvements la place des femmes est centrale.
Ce soir, mercredi 4 novembre, le gouvernement polonais a annulé la décision de la Cour constitutionnelle qui interdisait l’avortement en cas de « malformation grave du fœtus » ou de « maladie incurable ou potentiellement mortelle ». C’est une défaite politique majeure pour le régime de Duda et de Kaczinski. C’est une première victoire pour les femmes et pour la démocratie, qui ne peuvent pas, qui ne vont pas, s’en tenir là. Et c’est un encouragement pour les Bélarusses aussi, et pour toutes et tous les opprimé(e)s et exploité(e)s.