Une critique des stratégies politiques de la « Gauche post-soviétique » (PSL) et de la coalition « Peace from Below », ainsi que de leurs alliés au sein du mouvement masculiniste/Manosphère, par une anarchiste, poète et féministe vivant en Ukraine. Gros dossier que nous allons poursuivre !
Je m’appelle Galina Rymbu. Je suis poétesse, traductrice, féministe et anarchiste d’origine moldavo-roumaine et ukrainienne. Je suis née et j’ai grandi en Sibérie occidentale, dans le quartier ouvrier de Tchkalovski à Omsk. Mon père, ancien ouvrier-mécanicien, travaille comme manutentionnaire dans un entrepôt d’épicerie depuis dix-sept ans. Ma mère, ancienne professeure de biologie dans un lycée, est depuis quelques années vendeuse de bijoux fantaisie et de barrettes pour cheveux. De 2009 à 2017, j’ai vécu et étudié à Moscou et à Saint-Pétersbourg, où j’ai suivi des études de littérature et de philosophie politique, créé des projets poétiques et culturels indépendants, et participé à des mouvements de gauche, étudiants et féministes. En 2018, je me suis installée avec mon fils à Lviv, en Ukraine, où je vis toujours et où j’exerce le métier précaire de professeure d’écriture et de littérature.
La majeure partie de ma vie a été marquée par le fait que ma famille transnationale et moi-même avons été simultanément exposés à des discours discriminatoires et xénophobes et à la propagande russe. J’apprends encore aujourd’hui à penser autrement, et à me forger une résistance intérieure face à la désinformation qui vient souvent de mon ancien pays et que les habitants de l’Ukraine peuvent rencontrer sous des formes et dans des endroits les plus inattendus. C’est pourquoi j’explore le langage et les façons de penser, je continue d’écrire de la poésie. Je me critique moi-même. J’apprends à nouveau à me faire confiance, à moi et à mes cultures.
Dans la nuit du 4 au 5 octobre, la Russie a mené une attaque massive de missiles et de drones sur des villes ukrainiennes paisibles et endormies, dont l’une des frappes les plus dures contre Lviv. Avec mes proches et mon fils, nous nous sommes réfugiés dans la cave de ma maison ; les explosions n’ont pas cessé pendant cinq heures. Durant ces cinq heures, nous sommes restés, étreints et recroquevillés, sous la poutre porteuse du plafond de la cave. Ces derniers temps, nous pensons que cela augmente les chances de survie, si une roquette ou un drone touche la maison et que les étages supérieurs s’écroulent. Nous écoutions les drones bourdonner sans arrêt au-dessus de nos têtes et nos équipes de défense anti-aérienne essayant de les abattre à l’aide de simples mitrailleuses.
Après une telle nuit, j’aurais pu rejoindre les revendications pour la « paix » pour les Ukrainiens et les Russes, comme celles portées le 5 octobre à Paris lors du grand congrès anti-guerre de gauche et du rassemblement auquel participaient Liza Smirnova (Russie, coalition « Mir snizu » (La paix par en bas) et Andreï Konovalov (Ukraine, « Union des gauches post-soviétiques » / PSL). Leurs interventions furent saluées par de puissantes ovations et reçurent le soutien de représentants de partis et mouvements de gauche de 19 pays. Mais sur les réseaux sociaux, ces discours ont provoqué des débats, car ils prônaient la limitation du soutien militaire à l’Ukraine et reprenaient des thèses reconnaissables et fortement émotionnelles qui recoupaient largement les narratifs du régime russe. J’ai regardé les enregistrements vidéo des interventions de Konovalov et Smirnova le lendemain de cette attaque de missiles, et j’ai compris qu’il ne s’agissait pas seulement d’être en désaccord avec leurs demandes adressées aux alliés de l’Ukraine, mais que je ressentais leurs paroles comme la continuation de cette même attaque de missiles – simplement sous une autre forme.
Je ne connais pas personnellement Andreï Konovalov, mais je connais bien Liza Smirnova ; nous avons étudié ensemble, partagé les mêmes cercles littéraires, appartenu aux mêmes organisations et groupes militants de gauche, lutté pour les mêmes valeurs et idées qui nous étaient chères. J’apprécie son écriture poétique et ses efforts pour défendre et donner la parole aux groupes opprimés : femmes, personnes précaires, travailleurs des secteurs sociaux et du service. Mais moi-même, me définissant comme une poétesse politique de gauche, je vois que le discours de Liza peut avoir des conséquences concrètes et matérielles pour les vies et les mondes qui me sont chers. C’est précisément pour cela qu’il m’a été particulièrement difficile d’écouter ses discours. C’est précisément pour cela que j’ai aussi ressenti que la principale forme d’attention à la position défendue par « Mir snizu » et la PSL, mais aussi l’expression de ma propre agentivité politique face à eux – serait d’exprimer mon désaccord personnel.
De ma position
Personnellement, je me retrouve largement dans les idées de la gauche anti-autoritaire et antifasciste, qui lutte pour la liberté de l’Ukraine et contre le régime russe. Je suis loin de penser que toute réduction immédiate de la fourniture d’armes à l’Ukraine et du soutien politique au pays (en l’absence de toute clarté sur les perspectives de négociation ou de suspension des hostilités) pourrait vraiment nous ramener rapidement à la paix.
Je crois que même la position la plus extrême de « pacification de l’agresseur » (qui séduit certains gauchistes russes et européens) ne saurait évacuer la nécessité de distinguer entre armes offensives et armes défensives. Du reste, même une telle position devient intenable lorsqu’on voit l’ampleur des frappes de drones et de missiles menées par la Russie sur les villes ukrainiennes et les infrastructures énergétiques à la veille d’un hiver rigoureux : comment affirmer alors que la réduction des livraisons de missiles pour la défense anti-aérienne ou d’autres outils de lutte contre les engins russes pourrait contribuer à la paix, alors que la vie des civils ukrainiens en dépend cruellement ?
Je ne crois pas non plus que les forces armées russes, qui attaquent aujourd’hui les villes et villages ukrainiens, soient en capacité de mener quelque transformation révolutionnaire que ce soit en Russie, même si elles bénéficiaient du soutien de l’UE (c’est pourtant l’un des points mis en avant dans le discours de Liza). Selon moi, quand on parle des possibles mutations et des stratégies de résistance en Russie, il importe de considérer le choix personnel et politique de ceux qui (des classes populaires) rejoignent les rangs de l’armée pour « améliorer leur situation matérielle ». Focaliser notre analyse politique uniquement sur ce choix me paraît très périlleux.
Les institutions de violence, de contrainte et de propagande des régimes autoritaires sont organisées de telle sorte qu’à un certain moment, il devient crucial de ne pas uniquement évoquer la participation forcée des catégories vulnérables à leur reproduction, mais aussi de débattre de la non-participation comme l’une des stratégies possibles de résistance politique. Comme mon ami et poète Nikita Sungatov l’a souligné dans une discussion en ligne, il est essentiel de remarquer que, dans la Russie d’aujourd’hui, ce ne sont pas seulement ceux qui vont tuer des Ukrainiens « par pauvreté » qui font un choix politique, mais aussi celles et ceux qui refusent de le faire — malgré la pauvreté et la propagande agressive du service contractuel, si répandue dans les milieux modestes. Je pense à mon père, qui a fait ce choix de ne pas participer. Et il y a aussi des Russes qui optent pour des formes de résistance populaires ou clandestines, comme Ruslan Sidiki, ou qui rejoignent la lutte des anti-autoritaires ukrainiens, comme Dmitri Petrov, Alexei Makarov et d’autres gauchistes et anarchistes, ou qui agissent comme alliés et bénévoles au sein de nombreux réseaux populaires de solidarité avec la résistance ukrainienne, ou encore qui fondent leurs propres réseaux alternatifs de soutien pour les prisonniers politiques et pour l’échange d’opinions et de réflexions sur les formes de dissidence face au régime.
Chaque jour, je vois comment les Ukrainiens — de toutes opinions politiques — résistent à l’agression militaire russe, défendent leur droit à l’indépendance, à porter leur voix et leur visibilité. Je les vois faire une relecture critique de leur histoire, leurs cultures, leurs institutions politiques, organiser des mouvements sociaux, des manifestations, des réseaux d’entraide, malgré les conditions extrêmes que la guerre a créées ici pour chacun sans exception.
Bien entendu, j’ai ressenti de l’inquiétude en entendant, dans les discours des dirigeants de « Mir snizu » et de la PSL, que la guerre de la Russie contre l’Ukraine serait présentée uniquement comme un conflit entre deux « forces impériales » — d’un côté les États-Unis et « l’Occident », de l’autre la Russie — qui ne parviendraient pas à s’entendre. Même si cette rhétorique est qualifiée « d’anti-impérialiste », il me semble qu’en pratique, elle rime davantage avec les ambitions impériales d’un camp, car elle exclut l’Ukraine comme sujet politique à part entière et nie son agentivité politique.
Les guerres anticoloniales n’ont jamais été des rêves remplis de licornes roses ; pour beaucoup de peuples et de pays, elles ont été des luttes difficiles, sans garantie d’espoir. Dans un monde où existent encore des empires, ceux qui luttent pour leur indépendance sont contraints de chercher des alliés forts, que ce soit ponctuellement ou durablement. On ne triomphe pas d’un empire en solitaire. Il suffit de rappeler comment l’URSS, qui menait également une politique impérialiste cohérente, a souvent servi d’alliée pour des peuples qui résistaient à leurs colonisateurs au XXe siècle. Bien sûr, l’URSS et les peuples menant une lutte armée anticoloniale avaient chacun leurs raisons (qui ne convergeaient pas forcément). Il en est de même aujourd’hui pour un pays engagé dans une longue et épuisante lutte anti-impérialiste, à peine parvenu à une fragile indépendance, à peut-être ses propres stratégies et tactiques pour survivre dans ce jeu complexe.
La vision de la gauche selon laquelle l’Ukraine est une « vassale de l’OTAN » me semble au-delà du problématique. Cette analyse passe sous silence tous les réseaux culturels et politiques tissés par les Ukrainiens avec d’autres peuples qui ont une expérience de résistance à la colonisation. Elle oublie aussi les internationalistes de gauche, venus du monde entier, qui se trouvent aujourd’hui en première ligne pour défendre des personnes (et pas seulement des Ukrainiens) face à la machine militaire russe.
Je suis d’accord avec Slavoj Žižek (même si j’ai toujours pris ses prises de position politiques avec une certaine réserve), qui, ces dernières années, enjoint la gauche, au sens large, à « se réveiller à l’eau froide » et à commencer à vivre et penser stratégiquement dans la réalité où nous nous trouvons. Peut-être n’est-ce pas le monde que nous espérions. Peut être est-ce une catastrophe pour nous. Mais en fait, il nous faut apprendre à habiter l’espace de la catastrophe, à y naviguer. Il n’y a que là qu’on peut espérer un futur. Et c’est un gameplay difficile.
Dans ce « jeu en monde ouvert », je vois combien est inquiétante une rhétorique qui réduit l’Ukraine à un « satellite de l’Occident », incapable de décisions propres, ni de mener une véritable lutte de libération. La réalité est tout l’inverse : si l’Ukraine existe encore, c’est précisément parce qu’aux moments historiques décisifs, elle a fait les choix les plus difficiles par elle-même. Je ne crois pas que ceux qui défendent le droit de l’Ukraine à la subjectivité et à la résistance armée soient nécessairement des « bellicistes » ou des « gauchistes libéraux pro-guerre », comme cherchent à le présenter « Mir snizu » et la PSL, en attribuant de façon manipulatrice à leurs opposants une stratégie sadique et cynique.
La paix ne peut être obtenue en renversant, même habilement, la logique victime/agresseur, ni par une pression imposée à la victime. Et je sais aussi que beaucoup n’apprécient pas les victimes qui se défendent et résistent par tous les moyens. En créant l’image d’une Ukraine soumise, prisonnière des « forces impériales », qui « se battra jusqu’au dernier Ukrainien » et videra les caisses des contribuables européens au détriment des écoles et des hôpitaux, « Mir snizu » et la PSL reprennent trait pour trait les principaux récits des instituts d’influence et de soft power russes. Et je comprends trop bien comment ces récits peuvent capturer l’imaginaire de la gauche, ayant moi-même grandi et vécu longtemps sous leur emprise. Ce n’est pas un point de vue extérieur.
Je pense que c’est précisément ce sentiment de familiarité qui a suscité la vive discussion et les critiques sur les interventions de Liza Smirnova et Andrei Konovalov sur les réseaux sociaux. Cette polémique a bien montré que la majorité des courants de la gauche liée à l’Ukraine et à la Russie ne sont pas prêts à se solidariser avec les idées et programmes proposés par la PSL et « Mir snizu » pour parvenir à la paix. Moi aussi, j’ai voulu faire entendre ma propre position. J’ai pensé que je pourrais le faire lors d’un débat en ligne avec les leaders de la coalition « Mir snizu » et de la PSL, à l’initiative de camarades militantes. Mais n’ayant pas suivi en détail, ces dernières années, toutes les plateformes et organisations de la gauche russe en exil, je ne me sentais pas assez informée ni préparée pour ce débat. Voilà pourquoi j’ai décidé d’étudier les programmes de « Mir snizu » et de la PSL, leurs activités et positions anti-guerre, afin de mieux préparer notre discussion.
À propos de la « direction ukrainienne » des activités de la PSL et de « Mir snizu »
La PSL est une plateforme créée en 2023 pour réunir les gauches russes, ukrainiennes et biélorusses en émigration. Elle collabore activement avec les organisations de gauche sur le territoire de l’UE, accordant une attention considérable à « l’agenda anti-guerre » et dispose de deux cellules principales en Allemagne et en France. La coalition « Mir snizu » se présente comme une initiative affiliée à la PSL, destinée à élaborer une « formule de gauche » pour parvenir à la paix entre la Russie et l’Ukraine, qui pourrait être utile à la gauche européenne élargie.
Cependant, quand j’ai commencé à comprendre la structure du programme anti-guerre de ces organisations, j’ai découvert des choses qui m’inquiétaient au moins autant que l’influence et la pression de narratifs gênants sur l’arrêt de l’aide militaire.
Sur le site de la PSL, j’ai pris connaissance des résolutions intitulées « Position de la PSL sur le régime ukrainien » et « Position de la PSL sur le régime russe », j’ai lu les rapports et documents sur la tenue du « Forum des exilés de la gauche russe » à Cologne les 2-3 novembre 2024, co-organisé par la PSL et soumis à un large éventail de critiques de gauche alors qu’il était encore en cours d’organisation. C’est précisément là qu’a été créée la coalition « Mir snizu », qu’Alexeï Sakhnin (l’un des anciens dirigeants du « Front de Gauche » [russe], politologue russe et idéologue de l’organisation ukrainienne « Borotba ») et Liza Smirnova ont présenté lors d’un stream sur la chaîne Rabkor de Boris Kagarlitsky comme « une entreprise qui donne vie à la PSL » et qui partage des « communautés conjointes » avec la PSL. L’un des dirigeants de la cellule française de la PSL, Andreï Demidov, a également expliqué que « Mir snizu » représente l’une des initiatives organisées sous l’égide de la PSL.
Alexeï Sakhnin et Andreï Konovalov déclarent à plusieurs reprises dans un stream de « Rabkor » que l’une des directions importantes de leur travail consiste à conseiller les partis de gauche allemands et français « sur la situation en Ukraine » et à les aider à élaborer des stratégies et « une position sur la guerre ». Dans un article récent, Sakhnin et Smirnova exposent le programme « anti-guerre » de « Mir snizu », qui prévoit également la recherche d’« alliés politiques parmi les Ukrainiens » pour « parvenir à la paix entre les peuples frères ».
Dans un autre stream, sur la chaîne YouTube du Parti communiste internationaliste russe, les dirigeants des cellules française et allemande de la PSL Andreï Demidov et Alexandre Voronkov ont également évoqué les orientations « ukrainiennes » et « anti-guerre » de leurs activités. En préambule à sa conversation avec les dirigeants de la PSL, l’animateur de l’émission, membre du Comité central du PCR(i) Sergueï Kroupen’ko a présenté l’Ukraine comme un « État-marionnette ». Dans cette même émission, Andreï Demidov a raconté que les dirigeants de PSL avaient participé en mars 2025 aux auditions parlementaires à l’Assemblée nationale française, convoquées à l’initiative du plus grand mouvement de gauche du pays (« La France Insoumise »), qui s’oppose aux livraisons d’armes à l’Ukraine.
Le mouvement a été fondé par Jean-Luc Mélenchon, qui a pris la troisième place aux élections présidentielles de 2022 et qui a soutenul’annexion russe de la Crimée. Il a été maintes fois critiqué maintes fois par la gauche pour son attitude loyale envers Poutine et ses appels à faire pression sur l’Ukraine. Mélenchon apporte son soutien (y compris financier) personnellement à Alexeï Sakhnin et ses camarades, ainsi qu’à la PSL et à la coalition « Mir snizu », présentant leurs initiatives à ses partisans comme « toute l’opposition de gauche d’Ukraine et de Russie ». Ainsi, lors des élections présidentielles de 2022, Mélenchon et ses partisans ont diffusé aux électeurs français les interventions de Sakhnin, le présentant de fait comme le « dirigeant » de l’opposition de gauche russe. Cela ne correspond bien sûr pas à la réalité — de nombreux représentants connus de l’opposition de gauche russe ne collaboreront sous aucune condition avec Sakhnin et cherchent à se distancier de toutes ses initiatives. Dans les émissions sur « Rabkor », Sakhnin dit également qu’il conseille Mélenchon sur les « questions complexes de cessez-le-feu ».
Lors des auditions à l’Assemblée nationale française, Andreï Konovalov et Alexeï Sakhnin ont présenté les revendications de « Mir snizu » et se sont entendus avec les délégués de « La France Insoumise » sur la création d’un « groupe de travail » bilatéral permanent assurant la transmission de leurs avis d’experts sur la guerre de la Russie contre l’Ukraine et renforcer les « canaux d’influence » sur la gauche française.
Sur le site de la PSL n’est publié qu’un seul rapport sur leurs activités pour le second semestre 2024. Ce rapport mentionne une série de manifestations qui ont été menées et co-organisées par la PSL en novembre-décembre 2024 :
« En novembre, nous avons participé à une action des libéraux russes à Berlin, en présentant notre propre programme. Le même jour, nous avons co-organisé une manifestation contre les abus des TCK (Le service national de conscription) en Ukraine. Fin décembre, notre organisation, avec le soutien de citoyens concernés, a organisé quatre autres actions à Cologne, Paris et Berlin en soutien aux insoumis ukrainiens et aux déserteurs russes »
Cette série de manifestations m’a intéressée, car lors d’une discussion sur Rabkor au sujet des résultats du Forum de Cologne, Alexeï Sakhnin (membre de la coalition « Mir snizu », depuis longtemps connu pour son intérêt extravagant pour l’Ukraine), déclare que le programme de la coalition est maintenant politiquement le plus proche du « mouvement des réfractaires », ainsi que des déserteurs « des deux côtés du front » et qu’ils constituent le « sujet anti-guerre de la base » vers lequel est orientée l’activité de la coalition.
Andreï Konovalov (participant de la coalition « Mir snizu » et l’un des dirigeants de la PSL) déclare également que « travailler avec les réfractaires » est l’une des principales directions de son activité. Il vit à Cologne, dirige une chaîne YouTube politique en allemand et s’engage activement dans l’établissement de coopérations avec les principaux partis de gauche d’Allemagne. Dans l’une des émissions de « Rabkor », Konovalov raconte qu’avant son départ d’Ukraine, il était un partisan de la personnalité politique pro-russe Anatoly Shariy, qu’il ne s’intéressait pas aux idées de gauche, qu’il n’entretenait de liens avec aucune des organisations ukrainiennes de gauche et n’était actuellement pas en contact avec la gauche ukrainienne, car celle-ci lui provoque des «sensations irritantes et désagréables ». Dans la discussion qui a suivi l’intervention de Smirnova et Konovalov au meeting de Paris, les camarades ukrainiens ont également indiqué ne pas connaître cet activiste ni ses idées.
Aucune source publique ne peut conformer que l’expérience professionnelle antérieure de Konovalov était liée à l’aide juridique ou à la défense des droits humains, ni qu’il possède des compétences spécifiques dans ce domaine. Cependant, depuis 2023-2024, Konovalov mène publiquement des « activités de défense des droits de l’homme » sur la plateforme de la PSL, s’occupe de « défendre les droits des Ukrainiens » et « les droits des hommes ukrainiens » au sein des institutions politiques européennes. Sur le site de la PSL est publié un rapport sur son intervention au Conseil de l’Europe en juin 2025 et sa participation (conjointement avec Sakhnin) à la discussion de la résolution du Conseil de l’Europe « sur le thème de la guerre en Ukraine ». Dans une émission de Rabkor consacrée à l’intervention au meeting du 5 octobre et au débat sur les livraisons d’armes, Konovalov annonce également qu’il prépare des « graphiques pour une présentation à l’ONU » sur « l’abandon arbitraire des unités » et des prévisions personnelles (également pour l’ONU) au sujet de l’augmentation du nombre de déserteurs en Ukraine, et qu’il aspire à faire parvenir à de grands partis allemands comme « Die Linke » et « l‘Union de Sara Wagenknecht » (BSW) la position selon laquelle « les livraisons d’armements ne servent ni les intérêts du peuple ukrainien, ni les intérêts de l’État ukrainien ».
Récemment, Andreï Konovalov est intervenu au nom de la PSL lors de la 60e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève. Il y a parlé du “militarisme” et de la manière dont les “valeurs démocratiques sont détruites en Ukraine”. Dans la déclaration du 29 octobre 2025 concernant le discours de Konovalov à l’ONU, les publications officielles de la PSL ont souligné que lors de cette intervention, des “représentants anonymes des missions permanentes de l’Ukraine et de la Biélorussie auprès de l’ONU” étaient présents de façon anonyme et avaient “manifesté leur intérêt pour le travail mené par les membres de [l’] organisation.” Après son discours, Konovalov a rencontré des membres du bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, leur a remis ses rapports et a convenu qu’il continuerait à leur préparer et à leur transmettre directement ses documents concernant les « violations des droits en Ukraine ».
Le plus proche “collègue” de Konovalov, avec qui il a organisé des manifestations “contre la dictature en Ukraine” et “pour les droits des hommes”, Sergueï Khorolski, s’intéresse également beaucoup aux “canaux de communication avec l’ONU”, ce qu’il raconte régulièrement à ses abonnés provenant de la manosphère.
Sur la plateforme de la PSL, Viktor Sydorchenko, auteur d’un article surprenant et intitulé « Le champ d’expérimentation ukrainien », mène également des activités politiques visant à mettre fin aux livraisons d’armes européennes à l’Ukraine.Viktor Sidorchenko est un citoyen ukrainien qui vit en Allemagne depuis début 2022. Il a été membre duParti communiste d’Ukraine (PCU), ainsi que secrétaire du comité municipal de Kharkiv du PCU et responsable du département idéologique du comité régional du PCU. En 2012, il s’est aussi présenté comme candidat du PCU au poste de député lors des élections à la Verkhovna Rada ukrainienne.
Déjà en 2014 — immédiatement après la Révolution de la Dignité [le Maïdan]— Sidorchenko est devenu activiste de l’« Anti-Maïdan » de Kharkiv. En mars 2014, il était l’un des organisateurs de rassemblements pro-russes de la soi-disant « milice populaire » à Kharkiv, où il réclamait la tenue d’un référendum et « une autonomie économique et culturelle-historique complète » de la région de Kharkiv (c’est-à-dire — la création de la soi-disant « RNKh » par analogie avec les « RPD » et « RPL »). Ces meetings ont été préparés par le PCU, l’organisation pro-russe « Borot’ba », ainsi que par les services spéciaux russes et les organisations paramilitaires d’extrême droite « Rus’ trédinaya » (La Russie tri-unique), « Russky Vostok » (l’Est russe), « Velikaya Rus’ » (La Grande Russie), « Oplot » (Le Bastion). Leurs principales revendications étaient « Oui à l’union des peuples frères », « Kharkiv exige un référendum » et autres, les manifestants agitaient des drapeaux russes et scandaient « Berkut », « Russie ».
En 2014, analysant l’activité du PCU comme reposant sur le « chauvinisme grand-russe », les anarchistes ukrainiens notaient dans un texte publié sur la plateforme « Nihilist » que :
« Ces dernières années, leur programme était difficile à distinguer du programme classique de n’importe quel parti d’extrême-droite. Le PCU a systématiquement plaidé pour l’introduction de la peine de mort et la restriction des droits des minorités sexuelles, mené une politique tatarophobe (et également ukrainophobe là où il disposait d’une réelle influence sur le terrain, par exemple à Louhansk), soutenu le cléricalisme orthodoxe et faisait appel aux sentiments antisémites. Le journal « Kommunist » a publié des articles racistes, dans lesquels les Afro-Américains souffrant du chômage étaient qualifiés de fainéants, etles fusillades de grévistes au Kazakhstansaluées comme une « lutte contre l’impérialisme » ».
De nombreux dirigeants du mouvement rouge-brun « Borotba » sont également issus du Parti communiste d’Ukraine (PCU) et travaillaient sous la direction du stratège politique russe, Vladislav Sourkov, membre de l’administration poutinienne. Parmi eux, on trouve Alexeï Albou, qui appelait au déploiement de troupes russes à Odessa, et Alexandre Fedorenko, connu pour sa participation à l’agression brutale contre des anarchistes ukrainiens désarmés et le poète ukrainien Sergueï Jadan le 1er mars 2014 ( Jadan a été battu et frappé à la tête par les camarades de Sidorchenko alors qu’il refusaitde se mettre à genoux devant eux). Viktor Sidorchenko et Alexandre Fedorenko sont co-fondateurs de la fondation caritative « Angel », qui fonctionne encore sur le territoire de l’Ukraine et dont il est impossible de déterminer la nature des activités à partir des sources ouvertes.
Il est important de noter ici que le politologue russe « de gauche » Alexeï Sakhnine, est l’un des idéologues et « concepteurs politiques » du mouvement stalinien et pro-russe « Borotba » (créé sur la base de la « section jeunesse » du PCU). Après que « Borotba » et le PCU, en s’alliant avec des néofascistes pro-russes, furent les instigateurs de « l’Anti-Maïdan » (également soutenu par les services spéciaux russes et des groupes militarisés venus de Russie en Ukraine), ainsi que les organisateurs de violentes attaques contre des activistes anarchistes pendant la Révolution de la Dignité et les instigateurs de « l’Anti-Maïdan » (également soutenu par les services spéciaux russes et des groupes militarisés venus de Russie en Ukraine), Alexeï Sakhnine s’est présenté comme le principal et « promoteur » de ces organisations sur la scène internationale de gauche.
Dans de nombreuses interviews accordées à des médias de la gauche européenne, Sakhnine a présenté « Borotba » et le PCU comme des « dissidents de gauche » et des « antifascistes » victimes de « répressions » en Ukraine, et ayant besoin de soutien. Pendant ce temps, les activistes de « Borotba » et du PCU ont participé à des campagnes de « déstabilisation politique » en Moldavie, se sont unis à l’organisation néonazie russe « Unité slave », et une part importante des militants de ces organisations a rejoint des groupes paramilitaires combattant aux côtés de la Russie dans les régions de Donetsk et Lougansk en Ukraine depuis 2014. Sakhnine a soutenu « Borotba » pendant toutes ces années et, lors d’une interview accordée à la chaîne russe « Radio Svoboda » en 2021, il a qualifié cette organisation de « fraternelle ».
Il a également publié des appels à la « solidarité antifasciste » internationale avec Vlad Voitsekhovsky, un militant de Borotba membre du bataillon fasciste Prizrak ayant combattu aux côtés de la Russie sous le commandement d’Alexey Mozgovoy et qui est tristement célèbre pour sa cruauté toute particulière. La majorité des militants de gauche ukrainiens ont vivement critiqué Borotba et ont appelé la gauche européenne à faire preuve de prudence dans leur coopération avec cette organisation.
Dans ce contexte, il paraît tout à fait cohérent et logique que Sakhnine le politicien, qui supervise aujourd’hui la coalition « Mir Snizu» et le PSL, et se présente comme le « conseiller de Mélenchon », ait après 2022 attiré des « gauchistes ukrainiens » tels que Sidorchenko, cadre expérimenté de la « jeunesse » au sein du PCU et de « Borotba », et organisateur de « l’Anti-Maïdan » à Kharkiv.
Après 2014, Sidorchenko a travaillé comme spécialiste dans l’Administration d’État régionale de la ville de Tchouhouïv, correspondant d’Ukrgazdobytcha (producteur du gaz ukrainien ) et, en 2021, peu avant l’invasion à grande échelle, il est soudainement devenu chef du département des relations publiques de l’usine Malyshev de Kharkiv — l’un des plus grands producteurs d’équipements militaires lourds d’Ukraine, où des grèves ont commencé peu de temps après son arrivée.
Sidorchenko a quitté l’Ukraine immédiatement après l’invasion et est maintenant l’une des figures publiques de la PSL. Il produit pour la PSL et leurs alliés des « analyses politiques » qui portent principalement sur l’évaluation du mouvement de gauche en Ukraine, la « corruption dans les forces armées ukrainiennes », la mobilisation en Ukraine et des évaluations étonnantes de ses capacités de défense. Ainsi, dans son article publié par le canal Telegram « allo, macron », Sidorchenko présente les forces armées ukrainiennes comme des « formations armées illégales du régime nationaliste de Kiev », et lors d’une rencontre internationale du Parti des travailleurs, il évoquait la nécessité de mettre fin aux « livraisons d’armes à l’Ukraine », qu’il décrit comme un « pays semi-colonial typique » et « par principe incapable de transformer la résistance à l’agression russe en lutte populaire ».
Les deux « représentants publics de l’Ukraine » de la PSL et de « Mir snizu » — aussi bien Konovalov que Sidorchenko — soulignent habituellement dans leurs interventions sur les plateformes de la gauche européenne soulignent habituellement qu’ils connaissent personnellement et expriment la position, les sentiments et les aspirations de la majorité ukrainienne et du peuple ukrainien, ainsi que la position de la gauche ukrainiens. C’est, à mon avis, très loin de la vérité.
Activité politique de la PSL auprès des communautés incels et des « représentants de la manosphère »
Les rassemblements « anti-guerre » organisés par la PSL en novembre-décembre 2024 ont été couverts par les médias russophones, allemands et ukrainiens. Ils ont été présentés comme une série d’actions de rue à Berlin, Paris et Cologne « contre la dictature en Ukraine » et « contre l’arbitraire des TCK ». Une série d’actions à Dublin a également été synchronisée et coordonnée avec elles. L’une des actions à Berlin le17 octobre 2024 ainsi que plusieurs actions à Dublin ont été programmées pour avoir lieu lors de la Journée internationale des hommes. L’organisateur du meeting à Berlin pour la PSL était Andreï Konovalov. L’autre co-organisateur notable de l’action était Sergueï Khorolski — l’un des « leaders » de la manosphère russophone.
Sergueï Khorolski est également un citoyen ukrainien ; il a quitté le pays après le début de l’invasion à grande échelle et vit actuellement à Berlin. Depuis le début des années 2010, il est acteur et chanteur. En exil, il a activement développé une activité de blogueur et de musicien sous les pseudonymes « Khaïpovy » et « Seryoga Khorol ». Il participe sous son propre nom à la communauté de stand-up à Berlin aux côtés de féministes et d’activistes de gauche, intervient sur les ondes de la radio « Voix de Berlin », gère plusieurs comptes Twitter, TikTok, Instagram, ainsi que des chaînes radicales sur YouTube et Telegram.
Si, avant le début de l’invasion à grande échelle, ses créations consistaient principalement en des chansons appelant à la violence extrême contre les femmes et les féministes, ainsi qu’au harcèlement sexuel des femmes sur internet, peu avant son émigration, un nouveau profil est apparu dans son activité : il a commencé à enregistrer de courtes vidéos politiques sur YouTube consacrées aux « droits des hommes », à la « manosphère », à la politique ukrainienne et aux « problèmes de la mobilisation ».
Certaines vidéos représentent des « parodies » de femmes ukrainiennes réfugiées, ainsi que de femmes que Khorolski identifie comme des « patriotes » et des « féministes » qui « sortent avec des Arabes », tandis que d’autres sont filmées comme des « parodies » des employés des TCK et du personnel militaire ukrainiens. Sur sa chaîne YouTube, on trouve également des vidéos racontant les « crimes de Zelensky », ridiculisant certains hommes politiques ukrainiens et journalistes libéraux.
Khorolski informe ses abonnés de sa lutte contre l’« androcide », enregistre des compte-rendus de ses appels à l’ONU et de ses démarches auprès du Bundestag. Il anime des émissions et discussions avec les « leaders de la manosphère russe et ukrainienne » Mikhaïl Zebrong, Alexandre Remiz, Alexandre Ermis (dirigeant du mouvement « Masculinisme Rationnel »), Alexeï Larin/Vorobiev (activiste du « Mouvement pour les droits des pères »), consacrées aux discussions sur la guerre, les « droits des hommes » et la lutte contre le féminisme. Il publie également des vidéos en soutien à Arsen Markaryan (qu’il appelle le prédicateur de la manosphère qui a « ouvert les yeux des hommes »), et une série de vidéos dans lesquelles il explique les principaux problèmes de la domination féminine dans le domaine juridique, les dangers de l’« hystérie pédophile », et les nuances de la psychologie féminine.
Il y a encore quelques années, les vidéos de Khorolski sur YouTube semblaient assez marginales. Ses enregistrements amateurs sur comment passer le 14 février avec un ami ou ses chansons sur les femmes telles que « Un coup dans sa gueule », « Dick pic » et autres recueillaient en moyenne 400 à 500 vues. Aujourd’hui, sa création musicale comprend des clips « Les TCK se tiennent nous », « Ukhyliant », « Patriotka » et autres qui comptent des dizaines voire des centaines de milliers de vues, et qui sont promus dans les canaux propagandistes russes et les canaux « Z ».
Les contacts de Khorolski avec les « mouvements de défense des droits des hommes » et les communautés de la manosphère sont de nature variée : ainsi, sur le site de la « National Coalition for Men », il est désigné comme coordinateur de la coalition en Ukraine. En 2023, il y a notamment publié une déclaration en anglais, dans laquelle il raconte comment il s’est échappé du « camp de concentration appelé Ukraine » et s’est exprimé contre le « génocide et la dictature de Zelensky ».
Bien que le « groupe de Dublin » et Khorolski déclarent dans leurs canaux Telegram que leurs meetings étaient coordonnés avec le meeting de la PSL à Berlin, la PSL semble prendre ses distances avec le « groupe de Dublin ». De plus, peu avant cela, le « groupe de Dublin » avait organisé d’autres actions qui ont attiré l’attention des médias et de l’agence ukrainienne d’OSINT Molfar. Sur le canal Telegram VotTakTV, il a été noté que les compositions des meetings de Dublin et au meeting de Berlin se recoupait largement.
À Dublin, les organisateurs de meetings similaires sont quatre activistes, dont certains se positionnent également comme des « représentants de la manosphère ». Parmi eux, on trouve Alexandre Remiz (alias Viktor Makhno/Lex Makhno), qui possède également la citoyenneté ukrainienne. Remiz se présente comme un expert dans le domaine des biologies féminine et masculine, un « représentant de la manosphère ukrainienne » et un défenseur des droits des hommes. Il se dit proche de Khorolski, tient la chaîne YouTube Men of the World et un canal Telegram radical du même nom, où les principaux narratifs se concentrent sur la lutte contre les femmes, le féminisme, le « génocide des hommes » et diverses formes de conspirationnisme. Dans ses posts, il appelle par ailleurs l’Ukraine « Fémocucoldistan », poste des vidéos sur la lutte contre le « menace gauchiste », partage régulièrement des contenus de la communauté «Черный Фронт» ( Front Noir ), du «Канал Андроцид» ( Canal Androcide ) et autres. Récemment, il annonçait aussi la création d’une « cellule gordéiste » à Dublin.
Ce dernier fait suggère que le « groupe de Dublin » est composé de disciples de Gordeï Armenski, homme politique russe, diplômé de l’Institut d’État des relations internationales de Moscou et fondateur de l’organisation « Ligue masculine », officiellement enregistrée en Russie, et dont les canaux appellent les hommes à « s’isoler des femmes ». Dans l’une des dernières émissions chez Khorolski, le leader du « groupe de Dublin », Remiz, expose sa position personnelle et conspirationniste de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, affirmant que la guerre est en réalité menée par le matriarcat ukrainien et russe dans le but d’exterminer les hommes.
Il s’ensuit que la collaboration politique de la PSL et de « Mir snizu » avec le « mouvement des ukhylianty ukrainiens », sur lequel misent leurs leaders, s’exprime en ce moment particulièrement dans l’organisation d’actions politiques communes avec des représentants des « mouvements masculins » radicaux et misogynes, ayant quitté l’Ukraine avant ou après l’invasion à grande échelle et concentrées sur la promotion de leurs narratifs (y compris pro-russes) sur le territoire de l’UE et dans les milieux des émigrés russophones.
Ces « activistes » tentent également d’atteindre leur « public cible » qui reste en Ukraine, il est difficile de savoir dans quelle mesure ils y parviennent réellement, puisque leurs principaux canaux médiatiques restent les plateformes contrôlées par la Russie. Ainsi, Sergueï Khorolski et Andreï Konovalov sont devenus les principaux intervenants et experts dans le documentaire d’Andreï Rudoï « Ukraine et mobilisation : ukhylianty, déserteurs, arbitraire des TCK », diffusé sur la chaîne « Vestnik bouri » (« Héraut de la tempête »), l’un des plus grands médias de gauche en Russie).
La fin justifie-t-elle les moyens ? Sur les risques de compromission des communautés de gauche en exil et les risques pour les activistes
Récemment, sur sa page Facebook, l’un des dirigeants de la cellule française de la PSL, Andreï Demidov, a annoncé la création d’un groupe de travail avec la participation de « déserteurs et insoumis russes et ukrainiens », et a indiqué que « des déclarations et actions publiques [auraient] lieu prochainement ».
En voyant qui sont ces « déserteurs et insoumis ukrainiens » travaillant en partenariat avec la PSL et « Mir snizu », je pense que la présence de ces personnes dans les communautés activistes de gauche peut être dangereuse. Car dans ces communautés travaillent aussi des féministes et des femmes, pour qui l’exil produit déjà des risques et vulnérabilités supplémentaires. Je pense que pour toutes les femmes — indépendamment de leur position politique et de leur position sur la guerre — travailler dans le même espace ou dans un espace voisin de représentants de la manosphère radicale augmente sérieusement les risques de violences sexuelles, physiques et psychologiques.
Beaucoup a déjà été dit et écrit sur la manière dont les discours des « mouvements masculins », des incels et de la manosphère peuvent représenter une menace directe pour les enfants, les femmes, les personnes queer et LGBTQ+, ainsi que pour les garçons et hommes qui entrent en contact avec eux. En mai 2025, l’organisation ONU Femmes a publié un rapport expliquant la structuration de la manosphère et des groupes masculins extrémistes qui lui sont liés, ainsi que sur les menaces qu’ils représentent pour les sociétés. On y lit notamment que :
« Selon la fondation Movember, deux tiers des jeunes hommes interagissent régulièrement avec des influenceurs promouvant le « masculinisme » en ligne. Les experts soulignent que la popularité du vocabulaire extrême dans la sphère masculine non seulement normalise la violence envers les femmes et les filles, mais la relie de plus en plus à la radicalisation et aux idéologies extrémistes ».
Le danger qui émane de telles communautés n’est pas seulement « discursif », il ne se limite pas à l’incitation à la haine sur les réseaux sociaux ou au harcèlement en ligne des filles et des femmes. Les discours haineux fondés sur le sexe et le genre dans des « communautés masculines » fermées, en ligne et hors ligne, peut également conduire au soutien de groupes d’extrême droite, à des actes de violence physique et sexualisée, à de réels meurtres de femmes et de filles et à d’autres graves crimes. Nous pourrions pousser un soupir de soulagement si tout ce qui est montré dans la série « Adolescence » n’était que fiction.
Alors, s’agit-il là de véritables alliés politiques qui pourraient nous rapprocher de la paix — quel que soit le système de coordonnées que nous utiliserions ?
Je considère également que présenter ces figures de l’aile radicale de la manosphère comme des opposants, des activistes, des défenseurs des droits humains et combattants pour la paix, discrédite non seulement les mouvements, valeurs et idées de gauche, mais crée également des risques significatifs de compromission pour les organisations locales de la gauche européenne.
Il est possible que les gauches européennes soient mal informées et, sous couvert de soutien à « l’opposition de gauche ukrainienne », entraînées dans le soutien politique à des « groupes masculins » radicaux, portant des discours néofascistes et appelant à la violence extrême contre les femmes et les filles. Je pense que c’est une situation dans laquelle la fin ne peut justifier les moyens.
Nous pourrions effectivement avoir des discussions raisonnées sur les livraisons d’armes, les changements dans les politiques mondiales ou les moyens d’arrêter l’agression militaire russe, même si les positions des dirigeants de la PSL et « Mir snizu » me semblent quelque peu surréalistes. Cependant, je pense que cette discussion doit être abordée avec une certaine distance et quelques précautions préalables. En tant que féministe et personne ayant une expérience de femme, je ne me sens pas en sécurité en entrant en dialogue avec des forces politiques qui, pour réaliser leurs programmes, utilisent des cellules en ligne et hors ligne (!) de « groupes masculins ».
Concernant les autres aspects des activités de la PSL, de « Mir snizu » et de leurs alliés, qui visent à discréditer l’Ukraine et diffuser les narratifs de la propagande russe — chacun peut, je pense, avoir son propre jugement sur les raisons pour lesquelles cela se produit actuellement et aux effets que cela pourrait produire. Cependant, à première vue, il me semble personnellement que les idées qui sont promues par la coalition « Mir snizu », la PSL et leurs alliés lors des rassemblements « contre la dictature en Ukraine » et lors des autres événements « anti-guerre », dans les communautés d’exilés vulnérables, sur les plateformes européennes et dans les médias — n’ont rien de commun ni avec la véritable défense des droits humains en Ukraine et en Russie, ni avec les luttes de gauche contemporaine. Leurs idées ne nous rapprochent pas de la paix et de la justice, au contraire, elles les éloignent, pour tous sans exception — ou bien créent simplement toutes les conditions pour que, pour les Ukrainiens, cette « paix » soit catastrophique.