Le vent du boulet a soufflé sur Trump le 4 novembre, disions-nous. Dans toutes les élections, les trumpistes sont ultradéfaits : par les démocrates « classiques » là où il n’y que cela en face d’eux, par les socialistes démocratiques là où le parti démocrate « classique » dominait jusque-là, comme à New York avec Zohran Mamdani mais aussi à Seattle avec la syndicaliste Katie Wilson.
La victoire de Mamdani en fait mécaniquement, non pas le « leader rival », mais le représentant de la lame de fond qui se cherche et fait même un peu plus que se chercher, qui est en train de trouver ses formes politiques. Yorgos Mitralias a raison de lui conférer une importance, et une dimension, mondiales.
Le pouvoir trumpiste a hésité entre deux méthodes pour barrer la route à Mamdani. L’une était l’annulation du scrutin par le déclenchement d’affrontements armés quelques jours auparavant dans les rues de New York, avec l’entrée des commandos de ICE dans Chinatown. L’autre était l’alliance capitaliste avec l’establishment démocrate, en soutenant le gouverneur de l’Etat, Cuomo. Cette deuxième option a été choisie comme moins dangereuse dans l’immédiat, et a échoué – de peu : Mamdani a gagné par 50,2%, mais cela change tout.
Depuis, l’accélération de la crise au sommet, jusque dans l’état de plus en plus pathologique de Trump lui-même, est la conséquence directe du coup porté par les travailleuses et travailleurs d’en bas à Trump le 4 novembre.
L’affaire Epstein ressort bruyamment, avec la diffusion de milliers de mails d’Epstein où il apparait clairement qu’il fournissait des jeunes femmes à son pote Donald jusque pendant la première présidence de celui-ci. Simultanément, faute d’être passé à l’état de siège à une échelle assez grande de manière suffisamment rapide, il a bien fallu et reconvoquer le Congrès et accepter que la nouvelle élue démocrate de l’Arizona, Adelita Grijalva, puisse enfin prêter serment, après en avoir été empêchée illégalement pendant un mois et demi. Sa signature pour le vote d’une loi imposant la publication des documents Epstein détenus par le FBI, rend celle-ci possible à une voix près.
Pour permettre la poursuite d’une fausse légalité qu’utilise le pouvoir trumpiste et préférant, terrorisés, celle-ci à l’illégalité ouverte et sans fard qui s’est clairement dessinée, quelques députés démocrates se sont ralliés à la loi budgétaire, mettant fin au shutdown le plus long de l’histoire du pays. Mais il a fallu pour cela que les trumpistes fassent aussi une concession majeure : renoncer à pérenniser le licenciement des fonctionnaires fédéraux suspendus pour cause de shutdown. Comme il avait reculé sur la guerre de rue à New York, Trump a donc reculé sur la méthode Musk/Milei pour en finir avec les fonctionnaires. Mais dans cette loi budgétaire, les attaques contre les travailleurs ne se comptent pas, à commencer par l’absence de financement de Medicare, appelé à s’effondrer. Aussi Gavin Newson, gouverneur démocrate de Californie, nullement socialiste quant à lui mais devant courir derrière la poussée qui porte les Z. Mamdani et les K. Wilson, a-t-il qualifié la manœuvre entre les trumpistes inquiets et une dizaine de députés démocrates de honteuse capitulation de ceux-ci.
Alors que la question d’un troisième parti, celui du prolétariat, des immigrés, des femmes et des « minorités », non seulement se pose mais commence à trouver concrètement des formes de concrétisation, que seuls les incurables sectaires cautionnant finalement l’ordre existant, ne veulent pas voir, la crise dans le « mouvement MAGA » s’accélère aussi.
Peter Thiel a lâché un article affirmant que face à Mamdani, il faut trouver autre chose que des insultes et des menaces, et donner un espoir, un espoir pour lui « capitaliste » et « immobilier », aux jeunes GenZ qui votent Mamdani, mais il ne voit pas comment faire : et pour cause, son capitalisme parasitaire n’offre non seulement aucun espoir, mais aucun avenir, il n’est qu’apocalyptique !
Donald Trump, dans une interview sur Fox News le 11 novembre, a fait un de ces tournants brusques qu’il affectionne en annonçant qu’il allait faire venir 600 000 étudiants chinois aux Etats-Unis et favoriser les visas pour diplômés – répondant ainsi à une exigence de Musk, sans le dire, et provoquant une première crise dans la base MAGA formatée à un affrontement généralisé avec les migrants. Un peu plus tard, il a hurlé « Silence, Silence », à un journaliste demandant pourquoi la publication des Epstein files n’arrive pas.
Et là, survient le plus grave : l’élue et influenceuse trumpiste MAGA, brutale et vulgaire, Marjorie Taylor Greene (notre photo !) – qui, en juin, avec Tucker Carlson, Steve Bannon, et surtout Charlie Kirk, assassiné depuis – exige cette publication. Trump l’insulte, la traite de folle, de gauchiste (!!!), et de traitresse. Elle fait savoir qu’elle est menacée de mort, mais ne cède pas et, au contraire, insiste, et lance un slogan parallèle à MAGA et susceptible de le remplacer : AFAO – America First, America Only.
Tucker Carlson ajoute son obole au concert, en attaquant les nouveaux responsables trumpistes nommés au FBI par Tulsie Gabbart, les accusant de bloquer les investigations sur le tireur qui aurait visé Trump à Tulsa, pendant la campagne présidentielle, et instillant un doute sur la « version officielle », comme on dit chez les complotistes. D’ailleurs, pendant ce temps, le même FBI est silencieux sur l’assassinat de Charlie Kirk et le même Carlson s’est rapproché, par une interview notoire avec éloge de Poutine et insistance sur la nécessité d’une ligne « MAGA » vraiment … antisémite, de Nick Fuentes, dont se réclamait l’assassin.
Rien ne va plus dans MAGA : ces éléments de dislocation sont directement causés, à présent, par la vague de fond du mouvement NO KING- NO KINGS et sa traduction électorale victorieuse du 4 novembre. Le bruit court maintenant que la Heritage Foundation, qui a écrit le programme de destruction sociale de Trump, cherche comment l’écarter avant les élections au congrès de 2026, pour mettre Vance à sa place, Vance qui tente de rester silencieux dans cette crise, alors que les conditions de son éventuelle arrivée prématurée au pouvoir pourraient être bien difficiles pour lui.
Ce 15 novembre, une manifestation à Washingtont s’est formée, pour la première fois avec cette clarté, sur le mot d’ordre de destitution immédiate. Et le mouvement No Kings a fixé sa prochaine journée au samedi suivant, le 22 novembre, avec marche sur Washington.
Comprenons bien que même des municipales dans une petite ville française sont dépendantes de cette histoire qui est immédiate et qui est la notre !
Vincent Présumey, le 16 novembre 2026.