La vraie résistance palestinienne, ce n’est pas le Hamas, qui en ce moment même, tels les Versaillais sous les yeux des Prussiens, exécute des Palestiniens tout près de Tsahal, c’est ce peuple qui résiste avec ses pieds, en retournant chez lui – et souvent « chez lui » c’est le dernier lieu d’expulsion, mais c’est de ce fait la Palestine – dès qu’il en a la possibilité.

Nul ne songera à se détourner de l’espoir et de la joie ou à ironiser sur la volonté de survie et de vie d’un peuple tout entier ainsi que des familles des otages israéliens, espoir, joie et volonté suscités par le cessez-le-feu présent et par l’annonce de la libération des otages survivants, avec la restitution des corps des morts, et de la libération de nombreux prisonniers politiques palestiniens.

Pour autant, personne ne devrait prendre et faire prendre des vessies pour des lanternes : Trump n’est ni le Sauveur, ni l’aspirant légitime au Nobel de la Paix, ni le Père Noël. De même qu’un éventuel cessez-le-feu en Ukraine entérinant l’occupation du cinquième du pays et de la Crimée aurait été salué par les civils et les soldats momentanément soulagés, de même n’aurait-il absolument pas signifié ni la fin de la guerre, ni la fin de l’occupation, ni la fin des dévastations.

Derrière Trump, sans doute convaincu lui-même, aussi étonnant ceci soit-il, par la promesse infantile du Nobel, il y a eu convergence des factions washingtoniennes pour exercer une forte pression contraignante sur Netanyahou pour qu’il accepte un cessez-le-feu assorti de la promesse, dans un lointain nébuleux et à des conditions très particulières, d’un État palestinien (à laquelle il ne souscrit nullement). Pourquoi ?

C’est que, premièrement, la fuite en avant de Netanyahou aboutissait à une impasse sanglante totale, alors même que le massacre et la famine génocidaires à Gaza sont très largement un fait accompli. Son initiative de bombarder l’Iran, chevauchée et encadrée, puis de fait stoppée, par le « soutien » américain, puis celle de bombarder le Qatar, ont fait déborder la coupe, provoquant en outre un accord nucléaire entre le Pakistan et l’Arabie Saoudite, qui a dû peser lourd dans la balance.

Deuxièmement, la dynamique de la crise à Gaza conduisait à poser de plus en plus ouvertement la question d’une intervention de pays d’Europe apportant une protection armée à l’aide humanitaire, donc brisant le blocus. La reconnaissance française d’un État palestinien (qui a ouvert la crise entre Retailleau et Macron/Lecornu) et les aventures et questions soulevées autour de la flottille « Global Sumud », posaient ces questions avec une acuité montante devenant dangereuse pour Trump comme pour Netanyahou – et pour Poutine aussi pour qui ceci aurait été un précédent pouvant concerner l’Ukraine.

Les États-Unis, conjointement avec les monarchies de la péninsule arabique, ont donc pesé de tout leur poids, quelque peu retrouvé pour la circonstance, afin d’imposer ce cessez-le-feu assorti d’un plan dit « Trump » ou « Blair » qui n’a strictement rien à voir ni avec les droits nationaux et démocratiques des Palestiniens, ni avec la paix, ni avec la reconstitution d’un cadre politique viable pour le peuple judéo-israélien.

Ce plan prévoit une administration de type colonial à Gaza, confiée à l’expert Tony Blair, assisté d’un personnel « technique » palestinien appelé de fait à être fourni par … le Hamas et le Fatah. Cet appareil corrompu engagerait la transformation de Gaza en une interface capitaliste, monétaire, boursière, logistique et touristique, mais aussi militaire et policière, dans l’esprit des utopies, ou plutôt des dystopies libertariennes produites depuis plusieurs années par les théoriciens foldingues qui font du lobbying auprès de Trump et de Vance, comme Curtis Yarvin dit « Mencius Molblug ».

Dans l’immédiat, le peuple palestinien de Gaza qui commence à rentrer chez lui n’a ni eau, ni électricité, ni rien, et il n’a pas de place dans cet avenir supposé (les chefs corrompus du Hamas, si !).

Dans l’immédiat, les Palestiniens de Cisjordanie sont toujours soumis à la pression coloniale montante et ne veulent pas être les oubliés de « la paix ».

Dans l’immédiat, l’État israélien compte bien maintenir son principal otage, Marwan Barghouti, sous les verrous, et rien ne prévoit quoi que ce soit pour que la CPI puisse enquêter à Gaza ou ailleurs en Palestine et en Israël.

De plus, l’orchestration de la « paix de Trump » va de pair avec la montée des éléments de guerre civile aux États-Unis, de Portland à Chicago, à l’initiative du pouvoir central, et avec l’agressivité globale de l’impérialisme nord-américain sur tout le double continent américain, au Venezuela comme au Groenland, et cette orchestration cautionne et renforce cette politique porteuse de guerre.

Nous devons donc être avec les Palestiniens qui veulent rentrer chez eux pour y habiter et y vivre, et pas pour y survivre temporairement, et avec les familles des otages israéliens et tous les Israéliens qui veulent restaurer l’État de droit. Nous pouvons partager leur joie immédiate mais sans aucune illusion sur l’avenir de fer et de sang que leur préparent Trump et Netanyahou, et exiger pour eux le cessez-le-feu définitif et complet, la libération au plus vite de tous les otages survivants, l’évacuation de tout le territoire gazaoui par l’armée israélienne, la liberté d’expression et d’organisation des Gazaouis que cela plaise ou non au Hamas, et la libération de la Cisjordanie, dans la perspective de la satisfaction des aspirations démocratiques et nationales de chacun des peuples de la région. Et cela, ni maintenant, ni jamais, n’est et ne sera le plan Trump.

VP, le 11/10/2025.