Les appels et rumeurs autour du « blocage total » du 10 septembre suscitent des prises de positions.

D’une part, le RN se retire peu à peu : Le Pen et Bardella se gardent bien de dire quoi que ce soit, mais son porte-parole Mathieu Valet, ci-devant commissaire de police, déclare « C’est non, moi ça me fait peur », le député Mathias Renault qui soutenait jusque-là le « grand ras-le-bol fiscal des actifs contre l’Etat obèse », déclare que « l’extrême-gauche est derrière », ou la députée Edwige Diaz prophétise que le 10 septembre sera « parasité par des hordes de casseurs, de black blocs et de pro Hamas ».

D’autre part, Jean-Luc Mélenchon suivi de tout l’aéropage dirigeant de LFI, dans un appel lancé le 17 août, soutient « le 10 septembre » en vue de « faire tomber ce gouvernement. Sur le terrain de la mobilisation populaire tous azimuts et au parlement par une motion de censure immédiate. », disant demander une session extraordinaire de l’Assemblée nationale. Informations Ouvrières, organe du POI, commente en appui : « Les échos remontés à notre journal indiquent que le mouvement « Bloquons tous ! » se prépare dans toutes les villes, tous les milieux populaires, les secteurs de travail et les syndicats. »

Plus récemment, Léon Deffontaines, porte-parole du PCF, a déclaré que celui-ci serait « partie prenante », Marine Tondelier pour Les Ecologistes, juge dans Libération que « l’avenir de notre pays se joue dans les mouvements d’ampleur annoncés à la rentrée », mais précise qu’il ne faut pas « tout gâcher » par la compétition en vue de la présidentielle, et Chloé Ridel, porte-parole du PS, a déclaré : « On regarde cette initiative avec beaucoup d’intérêt. Les motivations et les modes opératoires sont assez flous pour l’instant mais nous comprenons l’exaspération à l’origine de ce mouvement. »

Un appel très général de militants de diverses organisations de la gauche politique, syndicales et associatives, avait auparavant été lancé le 11 août, à faire du 10 septembre « le début de la lutte de tous et de toutes pour tous et toutes ». Le cœur unitaire du NFP, avec notamment Clémentine Autain et Alexis Corbière de l’Après, en est signataire.

Dans la CGT, alors que quelques fédérations appellent à des actions dont la grève le 10 septembre ou autour du 10 septembre, Jean-Pierre Page, représentant de la FSM (Fédération Syndicale Mondiale)  liée aux régimes iranien ou biélorusse, prend à partie le n° 2 de la confédération, Laurent Brun, pour son supposé manque d’enthousiasme, celui-ci ayant écrit qu’il fallait apporter la dimension syndicale à la « jacquerie » et que le CCN (Comité Confédéral National) de fin août est « idéalement placé » pour cela, et joue les spontanéistes, appelant à ne pas « attendre la fumée blanche qui sortira du prochain conclave de l’intersyndicale » (l’intersyndicale est prévue le 1° septembre).

Pour Aplutsoc, nous avons dit clairement « Que faut-il faire le 10 septembre ? La grève, c’est évident ! » Il n’est pas question ici ni de pronostic ou de prophétie, ni de ralliement.

Pas de pronostic : il est tout à fait impossible de dire à ce stade si l’effet de masse du démarrage des Gilets Jaunes le samedi 18 novembre 2018 va se reproduire ou non. Il y a une expérience politique accumulée depuis, positive comme négative.

Pas de ralliement : mettre la grève au centre, le 10 septembre ou d’autres jours mais en effet en septembre car l’intuition de Marine Tondelier sur l’importance de ce qui va se passer en septembre est juste, c’est mettre au centre l’action autonome du monde du travail. Les thématiques racialistes et identitaires sont celles des pires ennemis des travailleurs et les plans du genre « auto-confinement » relèvent, au mieux, du tâtonnement de secteurs confus, sinon de divagations erratiques. Les appels de plusieurs structures syndicales, et dernièrement de SUD Rail, vont dans le sens de « la grève au centre ».

La rumeur du 10 septembre est évidemment un symptôme clair de la situation politique. Mais même si elle n’existait pas la question d’un appel à l’action, par la grève, et à la centralisation de l’action, sur l’exécutif Macron/Bayrou/Retailleau, en septembre, serait frontalement posée.

Et là, on peut faire sans risque de se tromper un pronostic : si l’intersyndicale du 1° septembre, lance dans l’unité un appel clair à la grève pour le retrait du projet de budget Bayrou, le 10 septembre ou un autre jour (mais pas en octobre !), alors la grève sera massive.

Une manifestation vers Matignon le même jour serait, elle aussi, massive.

Et les assemblées générales réunies pour préparer ce mouvement d’ensemble et le jour même permettraient de prendre la température et de poursuivre dans le sens de la généralisation et de la centralisation.

A ce jour, on voit de plus en plus mal comment l’intersyndicale le 1° septembre pourrait ne pas tenir compte du sujet du 10 septembre, lequel prend de plus en plus d’ampleur. Mais il faut que ce soit dans le sens de la centralisation pour gagner !

Car attention : la centralisation, contre l’exécutif Macron/Bayrou/Retailleau, est justement ce qui manque concrètement dans tous les appels à la mobilisation, qui tous, fut-ce pour les conspuer, acceptent en fait le calendrier institutionnel dont Macron, délégitimé, reste maitre pour son calendrier. Pourquoi ? Parce que la centralisation de la lutte sociale, qui est sa tendance naturelle, pose la question du pouvoir.

A ce sujet, c’est LFI qui explicite ce qui est évident pour tout le monde : la censure du gouvernement Bayrou devrait être combiné à la mobilisation sociale – elle doit l’être, et elle l’est de fait. C’est vrai.

Mais là se posent deux problèmes, dont LFI ne dit pas un mot.

Premier problème : la censure parlementaire dépend du bon vouloir du RN. Quand Bayrou a annoncé son budget antisocial provocateur, Le Pen et Bardella ont affirmé que la censure allait s’imposer. C’est moins évident à présent précisément parce que l’affrontement social central, qui est ce que le RN craint le plus, se dessine (à travers le 10 septembre mais aussi indépendamment de lui). N’en doutons pas, les tractations (un petit recul sur les jours fériés et une abstention du RN sur la censure ?) ont commencé.

C’est pour cela que le RN se fait de plus en plus prudent voire hostile envers tout mouvement social et donc envers le 10 septembre, laissant seulement une partie de la fachosphère souverainiste – effectivement à l’origine de la rumeur du 10 septembre qui lui a ensuite échappée- tenter de continuer à s’incruster.

Second problème : si Bayrou tombe, Macron disant ne pas tenir à redissoudre, quel gouvernement nomme-t-il ?

Le risque existe d’un gouvernement d’union des droites avec ou sans participation du RN, mais avec son soutien ou au moins son abstention parlementaire. Ce qui accentuerait la marche à l’affrontement social et politique !

Les électrices et les électeurs ont cependant porté, en connaissance de cause, une majorité relative dans cette Assemblée nationale : celle du Nouveau Front Populaire. Du point de vue de la démocratie et du respect des urnes, ce serait plus que jamais le moment de le rappeler.

C’est ce que l’appel de LFI gomme totalement et sciemment. Il n’a donc aucune issue politique à avancer dans l’immédiat et il accepte, sous ses dehors de radicalité, que Macron continue à nommer tout gouvernement autre qu’un gouvernement du NFP !

La disparition du NFP dans l’appel de LFI se traduit dans le flou et le fourre-tout des revendications en dehors du refus du budget Bayrou, auquel est ajouté le refus des « discours bellicistes » dont les dirigeants européens sont la cible exclusive, et l’inflation. Cette disparition du NFP pour les dirigeants de LFI est donc à mettre en relation avec l’odieuse tribune de J.L. Mélenchon exigeant le renversement de Zelensky en Ukraine. Observons d’ailleurs en toute lucidité que les quelques secteurs de la CGT qui, avec J.P. Page, disent, au niveau de fédérations ou d’Unions Départementales, rallier le 10 septembre, se situent tous sur cette ligne où l’ennemi principal, comme pour Poutine, et comme pour Trump (même s’ils dénoncent l’Europe pour sa servilité envers lui) est l’Europe. Ce sont là des motivations étrangères aux intérêts des travailleurs.

Tout au contraire, le 10 septembre et toute action de grève se centralisant contre le pouvoir en septembre, ont besoin du NFP et de la clarté de ses revendications pour lesquels nous avions réclamé il y a exactement un an un gouvernement Lucie Castets : hausse des salaires, défense des services publics, abrogation de la réforme des retraites (toutes choses absentes de l’appel lancé par LFI : si, si, relisez-le, l’abrogation de la réforme des retraites et la hausse des salaires sont « oubliés » !).

Bien entendu, le programme du NFP peut et doit être complété, mais sans rien abandonner, ni sur les salaires, ni sur l’abrogation de la réforme des retraites, ni sur l’Ukraine : l’abrogation de la loi Duplomb et l’action climatique réelle et urgente, une intervention humanitaire protégée militairement à Gaza tout de suite, peuvent s’ajouter à son programme. Mais celui-ci constitue la base de ce qui doit remplacer le gouvernement et le budget Bayrou et être imposé contre la volonté présidentielle, donc contre le régime de la V° République et pour aller vers un changement de régime !

En résumé : oui, septembre sera un mois très important, et les questions clefs ne sont pas « faut-il se rallier ou pas au 10 septembre », mais, premièrement, d’imposer à nos organisations syndicales d’appeler à la grève tous ensemble contre le budget Bayrou, et, deuxièmement, d’imposer l’unité du NFP pour une alternative immédiate au gouvernement et au budget Bayrou, donc sans attendre les présidentielles en 2027 ou avant.

Le rassemblement de Chateaudun du 30 août peut et doit s’inscrire, après celui de début juillet, comme une étape dans le combat pour imposer ce front commun nécessaire à la démocratie dans ce pays.

Aplutsoc, le 21/08/25.

Débat public Aplutsoc sur la situation française

dimanche 21 septembre 14 h

Maltais rouge 10 rue de Malte Paris 11° et possibilité par visio.