Présentation
Nous reproduisons cette déclaration du Syndicat National Météo CGT du 3 juin dernier qui est tragiquement corroborée par les inondations meurtrières survenues ces derniers jours au Texas, dont la responsabilité politique des conséquences retombe entièrement sur Trump et son équipe de fous furieux climato-négationnistes au service de l’accumulation infinie du capital.
Document
Le retour de Trump à la présidence des États-Unis marque une offensive envers l’ensemble des sciences du climat. Ayant qualifié le réchauffement climatique de « canular », il s’est doté d’un gouvernement ouvertement climatosceptique qui vise à réduire drastiquement le budget alloué aux recherches sur le climat. La National Oceanic and Atmosphere Administration (NOAA), dans le viseur de lobbys conservateurs américains proches de Trump comme la Heritage Foundation qui la considère coupable « d’alarmisme climatique », se retrouve inévitablement mise à mal¹.
D’après le New York Times, environ 10 % des effectifs de la NOAA ont dû quitter l’agence depuis janvier 2025 : plus de 800 employé.e.s en période probatoire ont été renvoyé.e.s tandis que 500 autres ont été contraint.e.s d’accepter une offre de démission². Notons que cette hostilité budgétaire et ces licenciements abusifs ont touché de nombreuses administrations américaines de divers secteurs, menaçant par exemple plus de 6 000 employé.e.s de l’IRS (fisc), 1 600 employé.e.s de l’USAID (Agence des États-Unis pour le développement international, chargée notamment de l’aide humanitaire dans le monde), 5 % des salarié.e.s du Service des parcs nationaux et 10 % des effectifs du Service des forêts (possiblement dans une logique de privatisation en vue d’exploiter les ressources pétrolières des espaces protégés). Les forces de l’ordre, les services migratoires et l’armée font partie des rares secteurs épargnés, conformément à l’agenda fasciste de Trump. Près de 25 000 emplois, potentiellement concernés par ces licenciements ou départs forcés, dépendent encore du bras de fer entre les mesures gouvernementales et les décisions de justice qui tendent à les protéger³.
Au-delà des licenciements, la recherche sur le climat et l’environnement fait face à une profonde censure. La publication d’un rapport majeur portant sur l’état des terres, des eaux, de la biodiversité et des écosystèmes aux États-Unis a été bloquée par le gouvernement américain. Plus de 150 chercheur·euse·s ont contribué à cette évaluation, précieuse pour identifier des enjeux liés à la santé, à l’agriculture, ou encore à l’adaptation au dérèglement climatique⁴. De nombreux sites internet et bases de données d’agences gouvernementales ont été partiellement ou complètement purgées des contenus en lien avec les recherches sur le climat. « L’administration Trump a demandé à ses agences et départements une analyse et un retrait des éléments évoquant les changements climatiques, les gaz à effet de serre, le développement durable ou encore la justice climatique⁴. » Ces censures ne ciblent pas que les sciences climatiques, mais font partie intégrante d’une offensive réactionnaire et anti-science généralisée : « ce blocage massif s’inscrit dans la volonté du nouveau gouvernement de retirer toute information relative à la diversité et à l’“idéologie du genre” et de surveiller les pratiques de diverses agences fédérales⁵ ». Ainsi, les CDC (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies) et la FDA (Agence américaine des médicaments) ont perdu des milliers de pages de leur site internet. « La santé publique, la justice environnementale et la recherche scientifique » sont les premières cibles de cette politique⁵.
La National Aeronautics and Space Administration (NASA) s’expose également à des coupes budgétaires majeures. Le gouvernement prévoit de réduire d’au moins deux tiers le budget des recherches en astrophysique et héliophysique, de plus de 50 % celui des sciences de la Terre et de 30 % celui des sciences planétaires⁶. En particulier, une grande partie des satellites d’observation de la Terre risque de ne pas être maintenue en conditions opérationnelles, puisque le gouvernement américain vise à mettre à mal les branches de la NASA chargées de l’étude et de la surveillance des effets du dérèglement climatique, notamment via les observations satellitaires⁷.
Bien entendu, ces mesures prises à l’encontre de la recherche climatique et ses outils auront des impacts sur la prévision météorologique. De nombreux scientifiques alertent sur les conséquences à venir sur l’agriculture, la gestion des catastrophes naturelles et autres secteurs très dépendants des prévisions météorologiques.
En quoi cela nous concerne-t-il ?
Au-delà de l’inquiétude légitime pour nos collègues travaillant aux États-Unis, l’impact sur les sciences du climat en Europe est très concret. En effet, la détection précoce d’évènements météorologiques, la surveillance d’effets d’origine anthropique, la climatologie et la prévision climatique nécessitent l’utilisation de données et modèles partagés internationalement⁷. On peut par exemple s’inquiéter du suivi cyclonique dans les Caraïbes et, plus largement, de la perte d’observations sur l’Atlantique ou le Pacifique tant du fait de la dépendance vis-à-vis des satellites américains, que du fait des infrastructures d’échange des observations.
Florence Rabier, directrice générale du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (ECMWF), insiste sur les conséquences, en Europe et dans le monde, de ces politiques climatosceptiques : « Ce sont nos partenaires depuis nos débuts, il y a 50 ans, et ils apportent une énorme contribution à la science des prévisions météorologiques et donc à la science du climat⁸ ». Les dégâts sont déjà visibles, puisqu’on constate que les données issues des ballons météorologiques « ont diminué d’environ 10 %⁸ ».
Comment se mobiliser ?
Aux États-Unis, la résistance s’organise : certain.e.s chercheur.euse.s et journalistes s’efforcent de sauvegarder les données menacées de suppression et s’insurgent contre les plans d’austérité budgétaire et de censure annoncés. Le mouvement Stand Up For Science a généré de nombreuses manifestations à travers les États-Unis. Parmi les revendications, on trouve « la fin de l’ingérence politique et de la censure visant le travail des chercheurs et des scientifiques », « le retour de toutes les données et ressources qui ont été supprimées », « l’instauration de garanties juridiques pour protéger, à l’avenir, l’intégrité de la recherche scientifique » ainsi que « le rétablissement des politiques de diversité, d’équité et d’inclusion auxquelles le président Trump s’est attaqué dès son arrivée au pouvoir⁴. »
L’initiative Stand Up For Science a été reprise au Canada et dans plusieurs pays d’Europe, comme la France. Dans une tribune publiée le 20 mars 2025 dans Libération⁹, les revendications clés du mouvement sont formulées tout en mettant en garde contre les attaques que subissent les sciences dans notre pays. Il est ainsi rappelé que « si la France ne connaît pas aujourd’hui une offensive obscurantiste de l’ampleur de celle menée aux États-Unis, nul ne peut ignorer que l’Université et la recherche y font l’objet d’attaques⁹ ». Notons par exemple le lancement du programme Choose Europe for Science par le gouvernement français, dont sont exclu.e.s les chercheur.euse.s travaillant sur les études de genre et décoloniales, alors qu’il s’agit des domaines les plus pris pour cible aux Etats-Unis¹⁰. En réponse à des initiatives comme celle du CNRS qui propose d’ouvrir des postes pour accueillir des chercheur.euse.s exilé.e.s des États-Unis, le communiqué rappelle les « coupes budgétaires qui s’accumulent depuis plus de 20 ans⁹ » dans la recherche française et les nombreuses fermetures de postes qui précarisent les scientifiques et la recherche, dans les sciences du climat comme ailleurs. « Accueillir des scientifiques menacés en exil est une nécessité, mais il faut commencer par appuyer tous les mouvements de résistance sur place.⁹ »
Le SNM-CGT soutient les mobilisations et initiatives de résistance scientifique et s’accorde à dénoncer l’hypocrisie cachée derrière la posture de « sauveur » qu’adoptent les institutions françaises vis-à-vis de la crise climatosceptique des États-Unis. Nous invitons nos collègues et camarades participant à ces mouvements à amplifier leur résistance et à l’inscrire, à nos côtés, dans une vision globale des enjeux humains et environnementaux actuels. Il est notamment nécessaire de rappeler que l’offensive réactionnaire en cours aux États-Unis ne concerne pas que les sciences du climat. La politique conservatrice, traditionaliste et suprémaciste blanche portée par l’extrême droite américaine est à l’origine de mesures allant à l’encontre des droits des personnes transgenres (changement forcé d’état civil)¹¹, des femmes¹² (recul de l’accès à l’IVG, voire son interdiction) et des minorités en général, en se basant sur une idéologie anti-science. Il serait également dommageable de se focaliser uniquement sur les attaques outre-Atlantique, rendues particulièrement visibles par leur outrance et la démesure de leur violence, sans prêter attention au développement plus pernicieux des mêmes attaques en France. Le SNM-CGT appelle à garder en tête que l’extrême droite française connait elle aussi une montée historique, dont la voie a été pavée par Macron et ses prédécesseurs. C’est conjointement que ces forces politiques ont attaqué l’ensemble de nos services publics comme la culture, la santé, l’éducation et la recherche, et c’est aussi ensemble qu’elles mettent à l’agenda des politiques racistes contre les quartiers populaires et l’immigration.
Lutter pour la science c’est se battre, toutes et tous ensemble,
pour les droits humains et pour construire une société plus juste,
débarrassée de l’exploitation, et capable de répondre aux enjeux de demain.
Dans ce contexte, le SNM-CGT réaffirme qu’il existe de multiples façons de s’engager pour lutter pour la science, comme :
- combattre l’extrême droite et le fascisme
- se syndiquer, pour protéger ses collègues et lutter pour la création et la pérennisation de postes
- soutenir des associations féministes
- informer la société sur les causes et enjeux du dérèglement climatique
- lutter contre l’accaparement des terres et l’artificialisation des sols
- s’opposer à la privatisation et à la casse du service public
- dénoncer le génocide à Gaza et toute forme de colonialisme
- exiger une vraie politique d’accueil pour celles et ceux qui fuient la misère, la guerre, ou les conséquences du changement climatique
Références
[1] https://www.linfodurable.fr/climat/licenciements-aux-etats-unis-quel-impact-pour-la-
recherche-50093
[2] https://www.nytimes.com/2025/02/28/climate/noaa-trump-staff-cuts.html
[3] https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/03/24/aux-etats-unis-une-situation-
incroyablement-chaotique-autour-des-sciences-du-climat_6585588_3244.html
[4] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2146185/etats-unis-climat-science-coupes-manifestations
[5] https://www.courrierinternational.com/article/etats-unis-contre-la-montre-pour-sauver-les-
donnees-scientifiques-des-sites-federaux-americains_227586
[6] https://arstechnica.com/space/2025/04/trump-white-house-budget-proposal-eviscerates-
science-funding-at-nasa/
[7] https://www.lapresse.ca/international/etats-unis/2025-04-11/agence-americaine-de-reference/
la-recherche-climatique-dans-la-ligne-de-mire-de-l-administration-trump.php
[8] https://www.francetvinfo.fr/environnement/crise-climatique/crise-climatique-les-coupes-
budgetaires-americaines-nuisent-a-la-science-mondiale-estime-l-agence-meteorologique-
europeenne_7190859.html
[9] https://standupforscience.fr/tribune/
[10] https://www.liberation.fr/sciences/etudes-sur-le-genre-ou-les-minorites-ces-scientifiques-que-
la-france-ne-veut-pas-sauver-du-trumpisme-20250505_Z5W5FGLJUFH6TCST76736OQ7YY/
[11] https://www.lemonde.fr/international/article/2025/02/22/l-actrice-trans-americaine-hunter-
schafer-assure-que-son-genre-a-ete-change-en-homme-sur-son-passeport-a-la-suite-des-
directives-de-l-administration-trump_6558188_3210.html
[12] https://www.humanite.fr/monde/donald-trump/2644475-2