Toute ressemblance avec des faits actuels est-elle de pure coïncidence ?

Présentation

Un lecteur nous a fait passer l’extrait suivant tiré du journal Espana Popular, édité à Mexico, daté de février 1940 et destiné aux réfugiés républicains espagnols en Amérique Latine.

L’auteur, Dolores Ibárruri Gómez, internationalement connue comme la Pasionaria, était une dirigeante de premier plan du Parti communiste espagnol (PCE). Elle en sera la secrétaire générale de 1942 à 1960. Dans l’article intitulé « La social-démocratie et la guerre impérialiste actuelle », elle tire à boulets rouges sur ceux qui soutiennent alors la Pologne occupée depuis l’invasion d’abord allemande du 1er septembre 1939, puis soviétique à partir du 17 septembre 1939, les accusant d’être responsables de la guerre impérialiste en cours, sans jamais évoquer la responsabilité du 3ème Reich.

Dans l’article titré « Pas une goutte de sang espagnol pour la guerre impérialiste », avec comme sous-titre « Espagne et Finlande, la cause du gouvernement d’Helsinki est la cause de la réaction mondiale », elle fait de la petite Finlande agressée militairement par Staline la cause du conflit, lui imputant la responsabilité de celui-ci comme « avant-garde anti-soviétique au service de l’impérialisme britannique ». Depuis la publication complète des clauses du pacte Hitler-Staline du 23 août 1939, on sait que la Finlande était appelée à faire partie de l’aire d’influence soviétique sinon à faire partie tout court de l’Union soviétique comme les pays baltes, incorporés de force durant l’automne 1939.

Caricature parue dans la presse trotskyste US en 1939

Du 1er septembre 1939 au 22 juin 1941, les partis communistes staliniens dénoncèrent le conflit mondial comme « une guerre impérialiste fomentée par les ploutocrates britanniques et français fauteurs de guerre » occultant totalement la responsabilité de Hitler dans la montée des périls. Pire, durant cette période, l’URSS appuya l’effort de guerre nazi en livrant pétrole, céréales, minerais et charbon à l’Allemagne nazie, tout en garantissant à Hitler la tranquillité à l’Est, lui permettant de concentrer tous ses efforts sur le front Ouest. Pour couronner cette lune de miel, Staline livra à Hitler plusieurs centaines de militants communistes allemands réfugiés en URSS. Il ne put faire de même avec les militants communistes polonais, il les avait déjà purgés physiquement en 1938.

A l’époque, le stalinisme disposait du prestige de la Révolution d’Octobre 1917 dont il usurpait le drapeau, de l’espoir répandu parmi l’avant-garde ouvrière mondiale que l’URSS était la Patrie du socialisme en construction. Il avait opéré un hold-up sur le marxisme en transformant la théorie révolutionnaire d’hier en appareil idéologique justificatif de toutes ses actions criminelles, dont seuls restaient les mots du vocabulaire marxiste tordus et manipulés aux fins de faire avaler des couleuvres.

Et même de très grosses couleuvres comme le Pacte germano-soviétique. Mais après tout, qui avait-il de si difficile à faire passer une fois que l’on avait réussi à faire condamner et exécuter tous les vieux compagnons de Lénine, vétérans de la Révolution, devenus tous subitement des agents de la contre-révolution durant les Procès de Moscou de 1936 à 1938. Surtout le stalinisme avait réussi à faire dégénérer la 3eme Internationale, conçue en 1919 comme Parti de la révolution mondiale, en garde-frontière de l’URSS et protecteur des intérêts de sa bureaucratie, à travers la sélection de dirigeants à sa botte, dépourvus de toute indépendance de pensée et d’action, soumis au contrôle d’un appareil politico-policier international hyper-centralisé sur Moscou. Cet appareil cherchait en permanence à utiliser l’influence des partis communistes et le dévouement des militants dans le monde entier pour influencer la lutte des classes de façon à ce que celle-ci n’avance pas dans la voie de la révolution mais préserve l’ordre établi et renforce la situation de la bureaucratie moscovite.

Aujourd’hui, les résidus du stalinisme ne disposent plus de l’appui et du prestige de l’URSS mais ils continuent à recycler la phraséologie d‘hier pour justifier l’invasion de l’Ukraine par Poutine, occultant totalement les responsabilités de celui-ci pour accuser « l’OTAN et l’UE » de manipuler l’Ukraine pour faire du tort à la Sainte Russie de Poutine, celle des oligarques maffieux bénis par des popes réactionnaires.

Viendra le moment où il faudra étudier et analyser par quels moyens des courants se voulant trotskystes se retrouvent à soutenir ou à excuser ou à relativiser la politique impérialiste de Poutine, refusant à une nation agressée et à un peuple en danger de génocide le droit de se défendre. Le mal avait commencé plus tôt, déjà en 2014 lorsque aucun parmi eux n’avait dénoncé et condamné l’intervention contre-révolutionnaire de Poutine en Syrie pour sauver le régime sanguinaire de Bachar el Assad menacé par un peuple insurgé.

Les textes ici présentés de la Pasionaria font miroir avec les positions actuelles de soutien ou de justification à la guerre d’agression de Poutine. Nous espérons qu’un soupçon de honte et un sursaut de réflexion permettront à ceux qui se sont égarés de rebrousser chemin. Sinon on pourra considérer qu’ils sont définitivement perdus pour la cause de la révolution, de l’émancipation humaine.

OD, 01/12/2024.

Ci dessous, la traduction puis le texte original en langue hispanique des articles tirés d’Espana Popular.

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