Présentation
Ce texte est une réponse circonstanciée aux accusations portées par Jean-Jacques Marie à l’encontre de notre camarade Vincent Présumey. Pour que nos lecteurs puissent se faire leur opinion, nous mettons ici à disposition ce texte :« Broué diffamé », texte de Jean-Jacques Marie (PDF).
Réponse de Vincent Présumey à Jean-Jacques Marie
Jean-Jacques Marie, auteur de divers ouvrages sur l’histoire du XX° siècle, vient d’entreprendre une croisade en défense de l’honneur de Pierre Broué, grand historien de la révolution prolétarienne au XX° siècle. Cette croisade consiste dans le lancement d’une fatwa contre ma modeste personne, qualifiée, dans une sorte de circulaire mondiale diffusée par Jean-Jacques Marie, de « piteux plumitif » qui aurait « bavé » et autres termes analogues.
C’est en 1989 que Jean-Jacques Marie aurait dû partir, non en croisade, mais en combat démocratique, pour l’honneur de Pierre Broué, alors diffamé par les dirigeants de son organisation, Lambert et Gluckstein, avec la caution complice de Jean-Jacques Marie : ils ont même tenté de le faire passer pour un auxiliaire des « royalistes » !
Ce même J.J. Marie, complice consentant de telles calomnies de type stalinien, a commis, dans le journal Informations Ouvrières des 4-10 août 2005 où il fut préposé à la nécrologie de Pierre Broué, un petit monument de mesquinerie, de lâcheté, de perfidie et d’omissions délibérées : et c’est ce petit personnage, portant sur son vieux dos une vie entière de couardise et de soumission devant les petits chefs, qui prétend aujourd’hui, en 2024, faire la morale à ce sujet et qui, comble du ridicule, s’imagine capable de m’enfoncer dans la « poubelle, déjà encombrée, de l’histoire » !
Voilà qui ne devrait mériter que mépris mâtiné d’un peu de pitié. Et j’ai pleine confiance dans ce qui restera dans l’histoire à propos des qualités morales, des orientations politiques, et des compétences historiennes, des uns et des autres.
Les gens sérieux qui ont eu dans les mains les « Mémoires inédits » de Pierre Broué ont compris que cet écrit d’un homme en train de dériver psychiatriquement n’était pas à l’image des travaux du grand historien des révolutions et des révolutionnaires. J.J. Marie dit l’avoir et le fait passer pour le « testament politique de Pierre Broué », ce qui, c’est à craindre, donne toute la mesure de ses compétences. Et il prétend que sa « famille » aurait interdit sa publication. Les enfants de Pierre Broué et moi-même sont donc accusés par J.J. Marie, lui qui a calomnié et laissé calomnier Pierre Broué pendant des dizaines d’années, de censure d’un prétendu testament politique.
Il est des choses élémentaires que manifestement J.J. Marie ne comprend pas. J’avais pour ma part eu connaissance de ce tapuscrit, et j’avais estimé devoir en reprendre quelques informations crédibles, et cohérentes avec leur contexte historique et politique, pour qu’elles soient connues, mais sans le mentionner par respect pour la décision de ses enfants, et c’est cela que, confronté aux mentions fréquentes qu’en fait F. Bazin dans son livre sur Lambert, j’ai été amené à préciser. Respect, tact : chez J.J. Marie cela devient crime et diffamation. Ce n’est pas étonnant de la part de qui s’imagine pouvoir plastronner en traitant quelqu’un de « piteux plumitif baveux » et en le prétendant « solitaire » : cette langue lui est commune à ceux qui dénonçaient les « vipères lubriques » et les « rats visqueux ». Trotsky appelait cela le « poison du Comintern » …
« Pas un seul exemple », prétend J.J. Marie à propos de ma mention, dans mon même article sur le livre de F. Bazin, des racontars sur Pierre Broué maquisard. La critique précise de l’article du Maitron se trouve depuis 2005 dans l’article que j’ai écrit après la mort de Pierre Broué, disponible sur le site d’Aplutsoc, et édité en anglais dans la revue Revolutionary History, article qui situe les débuts de l’engagement politique de Pierre Broué à partir de la lecture de Trotsky sous l’influence d’Elie Reynier, et, en effet, de la Résistance, mais sans céder aux mythes à son sujet.
J.J. Marie ignore tout cela. Il cite Paul Noirot (de son vrai nom Henri Blanc), qui a probablement pu rencontrer Pierre Broué quand il était en khâgne à Marseille en 1942-1943 ; Pierre Broué n’a quant à lui jamais rien écrit sur Paul Noirot, mais il a mentionné Paul Cousseran, des MUR (Mouvements Unis de Résistance) avec lesquels il a – peut-être- fait un stage à l’été 1943.
Assurément, et indépendamment de la place légendaire prise sur le tard par ses récits de jeunesse et leurs nombreux dupes, la place des questions nationale et militaire aux racines de l’engagement trotskyste de Pierre Broué, qui inspirera plus tard, après ses entretiens avec Jean van Heijenoort, ses travaux sur la seconde guerre mondiale, est un sujet important – mais qui n’est pas à la portée de J.J. Marie.
Voilà pour ce qui est du contenu de la circulaire épiscopale lancée par J.J. Marie à mon endroit. Il me reste à rappeler deux autres faits.
Tout d’abord, ce n’est pas la première fois, mais la deuxième, que J.J. Marie tente une opération de calomnie et d’insultes à mon encontre. Dans le n° 65 de ses Cahiers du Mouvement Ouvrier, en janvier-février-mars 2015, J.J. Marie m’a fait passer pour un journaliste (donc quelqu’un de rétribué : je pense que telle était l’intention, ce qui, là aussi, situe moralement J.J. Marie), racontant n’importe quoi sur l’Ukraine. J’ai répondu très précisément à tout cela dans mon blog de Mediapart : ce qui était en cause, c’était la défense de l’Ukraine contre l’impérialisme russe, à la rescousse duquel courait J.J. Marie, dont j’ai décortiqué les erreurs de mauvais lycéen et l’ignorance crasse, indigne de quiconque se prétend historien, s’agissant de l’histoire de l’Ukraine.
Cette curieuse attaque de l’ « historien trotskyste » attitré, visant au discrédit et à la calomnie au compte du nationalisme russe, m’a conduit à regarder de près ce qu’écrit J.J. Marie. C’est ce qui m’a conduit, second fait bon à rappeler ici, à examiner son livre sur le pacte Hitler-Staline (de faible apport, même si, certes, au royaume des aveugles les borgnes sont rois), et le chapitre inséré sur l’Ukraine, totalement hors sujet et qui pourrait bien avoir été une motivation forte de ce livre qui lui sert d’écrin : ce chapitre, et quelques autres passages que j’ai signalés, comportent des morceaux entiers repris tels quels de la prose poutinienne contemporaine, notamment d’un ouvrage russe, raciste, racialiste et, pour tout dire, puant le FSB de bout en bout, Ukrainsky Legion, Moscou, Iaouza, 2006, de Serguei Tchouev.
Il y a, décidément, un « certain poison » autour de J.J. Marie. Mais soyons conviviaux et optimistes : Jean-Jacques Marie a encore la possibilité de faire œuvre utile, en expliquant tout ce qu’il sait, et aussi, car cela se respecte, tout ce qu’il a pu ressentir, sur son histoire et notamment sur les grands épisodes staliniens du courant « lambertiste » en France qui fut le sien, et notamment la terrible « affaire Varga » en 1973, dont il fut, en tant que militant lié au travail « Est », russophone et comptant parmi les très rares à avoir séjourné en URSS, forcément un acteur direct, « affaire » qui détruisit le début le plus sérieux de construction d’organisations trotskystes à l’Est du rideau de fer qui ait existé.
Je ne veux pas, franchement, conclure cette réponse obligée à une petite infamie bien pauvre et à la vérité de peu de conséquence quoi que puisse croire son auteur, sur des mots de condamnation, mais sur une invite fraternelle : Jean-Jacques Marie, au lieu de régler tes comptes avec tes fantômes sur mon dos, qui en a vu d’autres à présent et n’en sera pas marqué, parle donc sur cette histoire, qui conditionne en partie notre présent et celui des couches militantes d’aujourd’hui, fait donc œuvre utile et honorable et, si tu respires un « certain poison », secoue le donc et aère, il n’est jamais trop tard pour cela !
Vincent Présumey, le 21 novembre 2024.
Michel Broué, mathématicien, animateur de la campagne victorieuse pour la libération du dissident ukrainien d’URSS Leonide Pliouchtch en 1976, fils ainé de Pierre Broué (décédé en 2005), a également réagi par la mise au point suivante, au texte de Jean-Jacques Marie.