L’exécutif Macron/Barnier est tel qu’on l’attendait.

« Surprise » de dernière minute, Mme Anne Genetet, jusque-là spécialisée dans l’« optimisation fiscale » des expatriés ayant du « personnel de maison », à l’Éducation nationale, flanquée de M. Portier, proche de Wauquiez et fan de l’enseignement privé, ministre adjoint à la « réussite scolaire » (sic !). A l’Intérieur, Retailleau, LR. Bref.

L’affrontement avec cet exécutif provocateur et ouvertement minoritaire est inéluctable. Le 1° octobre va l’ouvrir : les grèves ce jour-là seront, évidemment, et légitimement, des grèves politiques pour la démocratie, parce qu’elles exigeront la hausse des salaires, l’abrogation de la loi retraites, la défense des services publics et l’abrogation du « choc des savoirs » à l’école. Bien.

Des dirigeants syndicaux, et récemment Éric Coquerel, président LFI de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, nous disent que, même avec ce gouvernement, il devrait être possible de conduire le Parlement (Assemblée nationale et Sénat) à abroger la réforme des retraites. Regardons cela de plus près : ce sera TRÈS instructif.

Le 23 juillet dernier, Mathilde Panot, présidente du groupe parlementaire LFI à l’Assemblée nationale, annonçait qu’elle allait déposer, ou qu’elle avait déposé, une proposition de loi abrogeant la loi Macron contre nos retraites – ses formules étaient : abroger « la réforme de la retraite à 64 ans » ou « la retraite à 64 ans ».

Petit problème : cette proposition de loi n’a JAMAIS été déposée. Ni la liste des propositions de lois faites par des députés, disponible sur le site de l’Assemblée nationale, ni le compte-rendu des actes officiels de la députée Panot, ne la mentionnent. « Nous déposons une proposition de loi pour abroger la retraite à 64 ans. » Rien de tel n’a été déposé à ce jour.

Or, le mercredi 18 septembre, Mme Le Pen et M. Ménagé ont bel et bien, pour le Rassemblement national, déposé une proposition de loi. Après un exposé des motifs qui aurait pu, pour sa plus grande partie, être rédigé par un conseiller « de gauche » des chefs du RN, et qui parle d’abrogation, le texte déposé contient en fait 3 articles, n’abrogeant que deux points clefs de la loi de 2023 et ne revenant notamment pas sur la mise en extinction des conquêtes sociales détruites que constituent les régimes dits « spéciaux », notamment dans les industries électriques et gazières, la RATP et à la Banque de France. Les deux points abrogés sont l’âge légal de départ à 64 ans et les 43 annuités nécessaires pour avoir droit à une retraite à taux plein. Ils seraient donc remplacés par le retour à l’âge légal à 62 ans et par 42 annuités. Un article 3 est rajouté pour éviter les foudres de l’article 40 de la constitution, qui rend une loi irrecevable si elle augmente les charges publiques : il prévoit de taxer certaines transactions financières et les tabacs pour financer ces deux mesures, en fait pour éviter d’augmenter la part socialisée du salaire dont proviennent nos retraites, salaire socialisé dont le RN, ennemi de la Sécurité sociale, ne veut pas.

Eric Coquerel a qualifié cette proposition de loi du RN de « leurre » et a affirmé qu’il ne sera pas question de la voter lorsqu’elle sera soumise lors de la niche parlementaire du RN qui tombe le 31 octobre, aux côtés de diverses propositions répressives et réactionnaires.

Eric Coquerel dit que c’est un « leurre » parce que, selon lui, elle n’a de toute façon aucune chance même si elle était adoptée, d’être ensuite discutée au Sénat, dont le président Gérard Larcher veille et où le RN n’a pas de groupe, et donc aucune chance d’être un jour adoptée.

Coquerel dit, lui, avoir l’astuce parlementaire pour piéger le Sénat : faire de l’abrogation – mais l’abrogation de quoi ? Il ne le dit pas ; on peut penser qu’il s’agit au moins, n’est-ce pas, de l’abrogation des 64 ans et donc du retour aux 62 ans … – le sujet d’un amendement au PLFSS, le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale, qui doit être discuté à partir d’octobre, et au plus tard utiliser la niche parlementaire de LFI qui tombe fin novembre.

Vous suivez ?

En effet, explique Coquerel, le PLFSS doit être, lui, discuté au Sénat, puis faire l’objet d’un vote final à l’Assemblée. Larcher ne pourra donc pas empêcher le passage de cet amendement par le Sénat qui, ensuite, pourrait être adopté par l’Assemblée (si toutefois l’ensemble du PLFSS est adopté alors qu’on ne sait pas en quoi il va consister, et si suffisamment de députés non NFP s’ajoutent à lui pour le voter !).

Moyennant quoi, Coquerel s’affiche sûr de lui : « d’ici Noël », la loi retraites sera abrogée. Foi de Père Noël. Pardon, foi de Coquerel, président LFI de la Commission des Finances.

Faisons le point : il y a là, pour reprendre le terme bien choisi de Papa Noël Coquerel, pas moins de trois leurres.

Le premier leurre est à juste titre dénoncé par lui-même : la proposition du RN est faite pour faire croire au combat « social » du RN en faisant porter sur d’autres le chapeau de son non-aboutissement. Serait-ce, le moment venu, une raison pour le NFP d’assumer de porter, lui, ce chapeau, quand Coquerel nous a démontré que Gérard Larcher veillait au Sénat ? Après tout, si rien n’a bougé le 31 octobre, qu’avons-nous à craindre si le NFP assure une majorité pour abroger les 64 ans et les 43 annuités ? De faire le jeu du RN ? Mais le RN compte que son jeu soit fait par ceux qui voteront contre !

D’ailleurs, il risque de changer d’avis et de se démasquer s’il voit que ses deux abrogations risquent d’être adoptées ! En outre, il serait judicieux d’amender sa proposition en la complétant par l’abrogation de toute la loi Macron contre nos retraites, et de remplacer son article 3 par un article augmentant les cotisations patronales, c’est-à-dire le salaire socialisé : on verrait alors, si on en arrive jusque-là, s’il est toujours décidé à voter pour son propre hochet !

Donc, non seulement pour les raisons données par Papa Noël Coquerel, mais pour d’autres bonnes et solides raisons, en effet, la proposition du RN est un leurre.

Le second leurre est, depuis son annonce fracassante par les médias le 23 juillet dernier, la proposition de loi « de LFI faite par Mathilde Panot pour l’abrogation de la réforme des retraites », une proposition qui, à ce jour, N’EXISTE PAS. Coquerel le sait très bien, car il n’en dit mot et tout le savant mécano de génie parlementaire qu’il nous propose avec dextérité et certitude affichée d’y arriver, ne repose à aucun moment sur l’imaginaire proposition de loi de sa consœur insoumise : et pour cause !

Mais par conséquent, quel est le troisième leurre ?

Hé bien, c’est la savante et imparable tactique Coquerel, qui, déjà, pour être expliquée et comprise, prend un certain temps, n’est-ce pas.

On la résume.

Acte 1 : le NFP vote contre, le 31 octobre prochain, l’abrogation des 64 ans et des 43 annuités au motif que c’est le RN qui les demande, et le NFP en prend plein la figure pour sa duplicité, le RN se réjouissant.

Acte 2 : le génial Coquerel fait de l’abrogation des 64 ans, au moins ça, un amendement au PLFSS que l’Assemblée adopte (grâce aux voix de qui, en plus du NFP ? on ne sait).

Acte 3 : Gérard Larcher n’a même plus besoin de refuser la discussion au Sénat de la loi RN, puisqu’elle aura, grâce au NFP, été repoussée et donc, le Sénat (à majorité de droite) triture le PLFSS à son idée. Vous suivez ?

Acte 4 : revenant à l’Assemblée, le PLFSS y remet l’amendement du Père Noël vu que le Sénat l’aura probablement jeté, et hop, il ne resterait plus qu’à voter le tout !

Et voilà le travail !

Cet imbroglio aurait pu naître d’une conversation entre Kafka et les Marx Brothers, un soir de repas aux chandelles à Vienne il y a un siècle, mais non, il s’agit réellement du plan génial mis en avant par de grands stratèges !

Donc il nous faut simplifier. Nos députés n’ont pas à nous expliquer comment on doit ruser pour faire passer en loucedé une revendication ultra-majoritaire dans la population. C’est au mouvement social de leur rappeler leur mandat, et d’exiger de l’Assemblée satisfaction dans les plus brefs délais, par l’abrogation de la totalité de la loi Macron contre nos retraites : exigeons le massivement le 1° octobre et organisons l’affrontement pour imposer à l’Assemblée d’aller contre cet exécutif illégitime et minoritaire, sur ce sujet central comme sur les autres.

Voilà le programme : convenons qu’il est beaucoup plus simple que la fine stratégie du Père Noël ! Au passage, se servir d’une manœuvre du RN au moment où elle se présente est tout à fait possible, sur la base et dans le cadre d’une mobilisation claire, nette et majoritaire.

Mais, parce que la loi retraite est la loi clef de Macron, de l’exécutif, la cible de toutes les contradictions, ce programme conduit à l’affrontement avec l’exécutif et au raccourcissement des échéances, et il soulève la question d’un changement de régime.

Tandis que le plan compliqué du Père Noël repose en fait sur le maintien de l’exécutif illégitime en place et du régime de la V° République : voilà le fond du problème.

Et voilà pourquoi il était TRÈS instructif d’examiner cette affaire d’un peu plus près, ce que personne n’a fait semble-t-il à ce jour. Notre centre politique d’analyse, de proposition et d’action est là pour ça !

  • Contre Macron/Barnier/Le Pen, contre la V° République,
  • Pour la démocratie, les salaires, les services publics et l’abrogation de la réforme des retraites,
  • EN GRÈVE le 1° octobre pour se réunir et préparer l’affrontement avec ce pouvoir illégitime !