Complément à l’éditorial

Mercredi 10 janvier après-midi, Macron a envoyé à la presse une « lettre aux Français » prétendant qu’aux législatives qu’il a provoquées « personne ne l’a emporté » et qu’il faut que « les forces républicaines », « dans la tradition de la V° République », « placent leur pays au dessus de leur parti, la Nation au dessus de leur ambition » et que, jaugeant ce que les dites « forces républicaines »‘ lui auront rendue comme copie, il daignera « nommer un Premier ministre » à sa convenance, car il est, tenez-vous bien, « le garant d’une nouvelle culture politique ».

Il est probable que Macron a pris cette initiative pour donner l’impression qu’il mène le jeu. Par conséquent, ce petit coup d’État supplémentaire va attiser la colère sociale et démocratique. En juin 2022, Macron aurait pu dire de même que « personne ne l’avait emporté » : il a gouverné à coups de 49-3 et de violence policière. En juillet 2024, Macron est le grand perdant de sa dissolution : il le nie en prétendant que « personne ne l’a emporté ». Et pendant ce temps, le ministère de l’Éducation nationale, par exemple, fonce tout droit vers l’application du « choc des savoirs » à la rentrée.

Ils font tout pour interdire un gouvernement du Nouveau Front Populaire et, s’il venait à voir le jour, ils feront tout pour qu’il applique « choc des savoirs », réforme Macron des retraites et c’est tout !

Ainsi se mettent en place les conditions de la centralisation des luttes sociales contre l’exécutif, contre Macron, contre la V° République. Les discussions dans les organisations syndicales, dans les assemblées locales qui se réunissent encore en plein été, vont porter sur cela. Il ne s’agit pas d’une pantalonnade comme la proposition d’A. Quatennens de « marcher sur Matignon », qui n’a eu d’autre effet que de permettre au RN de se poser en parti de l’ordre et du patronat. Il s’agit de la montée de la colère, sociale et démocratique tout à la fois, depuis les profondeurs jusqu’au sommet. Car il n’y aura pas le choix : la « nouvelle culture politique » qu’ils veulent imposer, c’est la mise en œuvre d’une seule politique, celle que nous connaissons, la leur. 

Que les dirigeants du NFP fassent « Amstramgram » pour savoir qui ira à Matignon mais qu’ils arrêtent de traîner :  les revendications sociales et la démocratie ne veulent pas attendre.

Éditorial du 10 juillet 2024 à 14H

A deux jours du scrutin, les grandes manœuvres de l’Elysée et des partis bourgeois traditionnels autres que le RN ont commencé : constatant la difficulté à casser le NFP, car la pression unitaire vient d’en bas, ils envisagent de fabriquer une fausse « majorité » de circonstance en agrégeant les ci-devant macroniens et les LR « non ciottistes ».

Les plus faux-culs invoquent le « front républicain » qui devrait recevoir une existence parlementaire. En réalité, le vote de dimanche a vu, massivement, la base électorale du NFP voter en conscience pour des candidats bourgeois, pour des candidats ennemis, pour empêcher la formation du gouvernement RN à laquelle le patronat se préparait. Beaucoup moins massif déjà fut le report des votes ci-devant macroniens. Et pas massifs du tout dans le cas de l’électorat LR : il s’est en fait majoritairement reporté sur le RN.

La principale contradiction pour cette manœuvre que serait un gouvernement Renaissance/LR, est qu’elle vise à sauver la V° République par une combine typique de la IV° : une coalition parlementaire opérée après le scrutin. Sa réussite, qui serait porteuse d’affrontement social, ou son échec, ne peuvent donc qu’aggraver encore la crise de régime.

Surtout, il est clair qu’elle ferait le jeu du RN, s’installant en position d’attente. L’on sait aujourd’hui que des émissaires de Macron, Edouard Philippe, et le ministre de la Défense, dinent régulièrement avec Marine Le Pen et Jordan Bardella depuis des mois. Contrairement à ce que Philippe, en mode « droit dans ses bottes », a déclaré aux caméras, on ne s’abonne évidemment pas à des agapes communes juste pour acter des « désaccords » …

Gouvernement Renaissance/LR ou « gouvernement de techniciens » n’ont d’autre signification que la poursuite acharnée de la même politique contre le salariat, contre les services publics, contre les droits démocratiques, en laissant le RN se restructurer et faire sa pelote.

Tout le contenu du front commun capitaliste est donné par ces propos de Mme Belloubet, la toujours ministre de l’Education nationale du toujours premier ministre Attal, affirmant que le « choc des savoirs » et sa mesure centrale, les groupes de niveaux appelés par antiphrase « groupes de besoin » au collège, serait bien mise en place à la rentrée de septembre : « Aucun gouvernement, quel qu’il soit, ne peut aller à l’encontre des différentes manières d’aider les élèves », déclare-t-elle en langage crypté, que la presse nationale et régionale a très bien traduit par : quel que soit le gouvernement le « choc des savoirs » devra s’appliquer !

On peut décliner ce qu’il en est pour eux de la démocratie :

  • Quel que soit le gouvernement, « choc des savoirs » !
  • Quel que soit le gouvernement, retraite à 64 ans avec allongement des annuités !
  • Quel que soit le gouvernement, tassement des salaires et misère !
  • Quel que soit le gouvernement, fermetures de classes et fermetures de lits !
  • Quel que soit le gouvernement, le réchauffement climatique on s’en fout : les pauvres paieront !
  • Et pour conclure : quel que soit le gouvernement, on pave la voie au RN (et on dine avec lui pour préparer ça) !

Voilà ce que sont le « front républicain », le « gouvernement technique », l’« ouverture parlementaire » ou « le bloc central », des Macron, Attal, Darmanin, Philippe, Belloubet, Bayrou, Bellamy, Larcher …

Les profs en ce moment décompressent après le second tour et partent en vacances, mais le SNES-FSU, saisi par beaucoup de ses militants, a déclaré sur les propos de Mme Belloubet : « Quel mépris pour la profession mobilisée depuis plusieurs mois, et quel mépris pour ce qui s’est exprimé dans les urnes ! Décidemment, le déni de démocratie est une marque de fabrique de ce gouvernement : Non Au Choc Des Savoirs. »

La CGT « demande solennellement à Emmanuel Macron de respecter le choix des urnes et d’appeler à la formation d’un nouveau gouvernement autour du programme du Nouveau Front Populaire qui est arrivé en tête. »

Malgré les vacances, malgré les JO, malgré la décompression bien compréhensible, la tentative du pouvoir – même plus de l’Elysée mais des réseaux issus du macronisme et de la décomposition de LR – d’empêcher coûte que coûte la démocratie de s’imposer par la satisfaction des exigences urgentes, à commencer par l’abrogation de la loi Macron contre les retraites, va pousser à la lutte sociale.

Les JO, justement : des aéroports de Paris où les syndicats mandatés par des assemblées générales appellent à la grève le 17 juillet prochain, pour des compensations et des embauches liées aux JO, aux pompiers du Rhône et de la Loire mobilisés contre l’amputation de leurs congés pour cause de JO, aux personnels de l’Hôpital Georges Pompidou, structure de référence pour les JO, en grève le 9 juin, une idée fait son chemin : Pas de gouvernement de Front populaire ? Pas de JO !

Clarifions un point : cette poussée d’en bas, dans laquelle la poussée qui a imposé la formation du NFP le 10 juin et la lutte des classes directe commencent à se combiner, ne vise pas à préserver le régime par une cohabitation gouvernementale, comme cela a par ailleurs été proposé par maints hommes politiques (le premier étant J.L. Mélenchon en 2022). Elle vise à contraindre le président. Elle est déjà dans une logique d’affrontement avec lui. N’oublions pas que nous sommes dans la nation qui, en octobre 1789, est allée chercher le roi à Versailles. On sait comment cela s’est terminé pour lui !

Les palinodies, promotions, révélations, accusations, entre chefs des 4 partis du NFP ne sont pas le problème de ce mouvement-là. Tout ce qu’on leur demandait le 10 juin c’était de s’accorder pour des candidatures uniques. Tout ce qu’on leur demande ce coup-ci c’est de tirer au sort s’il le faut une ou un premier ministre et d’exiger d’y aller. Et là, tout coup fourré, de l’Elysée, des institutions, comme de leurs propres rangs, pour ne pas mettre le SMIC à 1600 euros tout de suite, ne pas annuler la réforme Macron des retraites, appliquer le « choc des savoirs » à la rentrée, suscitera la mobilisation.

Un peu tout le monde à présent, à gauche, parle de comités d’actions, d’assemblées citoyennes, de comités de front populaire ou quelque nom qu’on leur donne. La crise en haut nous donne l’impulsion pour avancer vers leur formation, en vue d’imposer la satisfaction des revendications, et d’exercer la vigilance contre toute opération visant à mettre à la place la poursuite de la même politique ainsi que l’a affiché Mme Belloubet.

Et c’est ainsi, et seulement ainsi, que nous ferons rentrer le RN dans son égout.

La démocratie, ce sont les revendications sociales. Gouvernement de Front populaire, vite !