Qu’est-ce que le mouvement ouvrier ?
Dans l’acceptation la plus courante du terme, on pense au mouvement syndical. En fait, le mouvement ouvrier est beaucoup plus que cela. Historiquement, il comprend aussi les partis politiques créés par les travailleurs pour défendre leurs intérêts, tels que les partis travailliste, socialiste et social-démocrate, ainsi qu’un grand nombre d’institutions à but spécifiques : des coopératives (de production et de consommation), des banques ouvrières, des associations pour l’éducation des travailleurs, des écoles et universités, des cliniques, hôpitaux, services sanitaires, des institutions culturelles (théâtres, bibliothèques, chorales, orchestres, clubs de lectures, loisirs, sports et « amis de la nature », des organisations de femmes, de jeunesse, des organisations de solidarité et de défense (y compris des milices armées), des stations de radio et de télévision, des journaux et des revues, des maisons d’éditions, des librairies : c’est tout cet ensemble qui constitue le mouvement ouvrier historique.
L’éventail complet de toutes ces institutions et organisations a rarement existé au même moment et au même endroit. L’important est que prises ensemble, elles ne constituaient pas seulement un système de soutien aux travailleurs dans tous les aspects de leur vie mais elles représentaient aussi le projet d’une société alternative et une contre-culture. Le mouvement ouvrier est un mouvement social à facettes multiples, avec une cause et un projet de société.
Tiré de Dan Gallin – Le mouvement ouvrier (2005)
Les éditions Syllepse ont fêté ce jeudi 6 juin leur 35ème anniversaire et ce n’est pas rien si l’on considère la période historique couverte par ces 35 dernières années.
Dans les années 60 et 70, il y avait les éditions Maspero comme source de référence en phase avec les combats révolutionnaires de l’époque. Malheureusement dans les années 80, on passa de Maspero à la Découverte, et là on sentait toute la différence entre le souffle de l’engagement porté par la première et le ton académique, universitaire de la seconde, même si le sérieux de cette maison ayant récupéré le fond Maspero n’était en aucun cas contestable.
De cette époque là aussi, on se souvient des éditions La Bréche liées à la LCR, mais celles-ci ne survivront pas à la Chute du Mur de Berlin et à la dilution de l’espoir de construire un parti révolutionnaire reprenant le flambeau des temps de la Révolution russe jusqu’à la révolution politique qui ne se réalisa pas.
Dans les années 90, parallèlement au délitement du « grand parti des travailleurs », les Éditions Sociales ont aussi connu un fort déclin et des déboires financiers.
1989, année de la Chute du Mur, du premier gouvernement non stalinien en Pologne, de l’écrasement du soulèvement démocratique et communard de la Place Tien An Men, du renversement du régime de Ceaucescu, marque la fin de l’époque où on attendait la jonction des branches occidentale et orientale de la révolution. A la place, on a eu Reagan, Thatcher, Mitterrand, Kohl assurant le triomphe du CAC40.
Dans ces conditions, comment expliquer le succès de l’entreprise lancée par un tandem fort modeste ? Par l’application de la recette élémentaire : se lier aux mouvements réels de la période.
Avec ses 37 collections et 21 thèmes, la couverture dans le temps de l’histoire des mouvements sociaux et révolutionnaires, des idées politiques et philosophiques associées, se combine avec celle de l’espace de la géographie internationale des révoltes, des luttes, des expériences.
En tissant des liens avec des revues amies en France comme dans le monde, avec des mouvements divers (Attac, Copernic, SUD-Solidaires, VISA, notamment …), en offrant une possibilité d’expression, l’équipe animatrice a réalisé sa mission telle qu’énoncée dans son Qui sommes nous ? :
« Insérés dans le mouvement des mouvements de ceux et celles qui sont à la recherche d’autres possibles, nous avons bâti notre projet éditorial pour transgresser la frontière de la « fin de l’histoire » que certains ont cru pouvoir tracer sur les ruines des révolutions trahies et des utopies défaites. Pour qu’il y ait une bonne résistance à l’air du temps, il faut dégager un horizon qui éclaire les combats quotidiens et redonne corps aux espérances. Redonner l’espoir, c’est aussi faire vivre l’idée de la transformation sociale avec cette terrible arme de la nuit qu’est le livre. Nous entendons y participer en construisant cet outil pluraliste et coopératif que représente notre maison d’édition. »
Dernièrement, les éditions Syllepse ont hérité du fonds des éditions Spartacus confié par l’association qui le gérait depuis la disparition de René Lefeuvre, association dont les membres avaient décidé l’auto-dissolution au 31 décembre 2022. Elles ont apporté une contribution inestimable à la solidarité avec la lutte du peuple ukrainien contre l’agression de Poutine et à la diffusion des idées et pratiques de la nouvelle gauche politique, sociale ou féministe de l’Ukraine assiégée. Elles sont capables d’offrir un accès gratuit à des publications d’actualité comme à une certaine bibliothèque de nos mémoires.
Que peut-on souhaiter à cette équipe ? 35 autres années fructueuses de publications … et la victoire de la révolution !
OD
