Présentation

Un excellent communiqué de l’ association France Amérique Latine sur la situation en Équateur, suivi d’un communiqué de la CONAIE sur la « Consultation Populaire » du Président Noboa du 21 avril 2024 prochain.

1) Ce qui se joue dans cette « Consultation populaire » du 21 avril prochain, autour de 11 questions, initiative du président Noboa, c’est :

  • a) d’asseoir institutionnellement « la militarisation » de la vie quotidienne politique et sociale en Équateur, ce que, avec la déclaration de « Conflit armé interne  » en janvier 2024, accompagnée de la « déclaration de l’Etat d’urgence »* le gouvernement Noboa a mis en place d’ores et déjà sous prétexte de lutte contre le narcotrafic…
  • b) tout en faisant adopter dans la même fournée, au nom de l’appel aux investissements mondiaux dans l’économie équatorienne (pour réaliser le « destin minier de l’Équateur », dixit Noboa en février dernier au Canada devant l’ assemblée annuelle des principaux investisseurs miniers du monde), # d’une part, l’acceptation des règles d’arbitrage mondial en cas de litige avec une transnationale (Chevron (pétrole) s’ en frotte les mains d’avance) # d’autre part, l’acceptation de contrats temporaires de travail et au paiement par heure de travail (ce qui voit la fin de la SS, des vacances, des versements pour la retraite etc..) c’est à dire l’acceptation de la précarisation, la flexibilisation du marché du travail, la baisse des salaires et l’arbitraire patronal.

2) L’envahissement le 18 mars par les Forces Armées et la Police, dans la province de Cotopavix, des bourgades paysannes de Palo Quemado et de Las Pampas, où l’entreprise minière canadienne Atico Mining devrait réaliser l’ immense projet minier « La Plata », (cuivre, Zinc, or), avait pour but d’imposer une « consultation truquée  » de 70 personnes sur une population de plus de 1.200 habitants, population qui s’oppose à ce projet ainsi qu’ à la consultation truquée.

Après avoir créé en janvier « l’ état de choc » de la déclaration de guerre contre le narcotrafic et 22 de ses bandes armées, suite aux démonstrations de force des mafias (envahissant une station de TV en direct et les prisons équatoriennes et réalisant la fuite de deux de ses principaux leaders – toutes actions qui ne peuvent se réaliser sans la complicité des forces répressives d’un État équatorien, fortement gangrené), le gouvernement Noboa a voulu, avant même la réalisation de sa « Consultation populaire » et du renforcement qu’il en attend, faire un exemple.

Le gouvernement Noboa a ainsi démontré ce qu’il entendait par « Conflit armé interne » exigeant l’ utilisation de l’armée dans un conflit social, en n’hésitant pas à qualifier de « terroriste liée au narcotrafic » la résistance pacifique des paysans de cette région. Le cadre organisé de la CONAIE et du Front National Anti-minier (voir article dans le dernier numéro en ligne de Inprecor) a, pour l’instant, permis une résistance conséquente, malgré une sévère répression (20 blessés, 72 paysans poursuivis judiciairement), et a contraint la justice à demander et obtenir la sortie des forces armées de la région et à confirmer provisoirement, à nouveau le 9 avril, l’interruption de la fausse consultation.

3) L’invasion de l’Ambassade du Mexique pour y arrêter un personne bénéficiant du droit d’asile, opposant politique, ex-ministre de Correa, sous prétexte de poursuites pour corruption, démontre que Noboa est capable de faire sauter tous les verrous de l’état de droit et du non respect des droits démocratiques, pour imposer sa politique et celle du bloc économique qui l’appuie. Il compte bien sûr, sur le rouleau compresseur d’une presse aux ordres, sur le climat de peur, d’incertitude, d’aspiration à l’ordre, créés par toutes ces opérations.

Membre d’ une famille qui possède l’empire de l’exportation de la banane (premier produit d’exportation en Équateur) mais qui, à travers d’autres entreprises, investit à fond dans les projets miniers en alliance avec les transnationales minières, ce jeune chef d’entreprise de 36 ans, diplômé US, se comporte dans le pays comme sa famille se comporte dans son empire bananier.

N’oublions pas de plus, que la plus grande partie de l’arrivée de la drogue en Europe, qui part des ports équatoriens, se fait dans les containers de la banane équatorienne. Certes depuis la déclaration de « guerre » il y a eu environ 350 arrestations de jeunes subalternes de trafic de drogue. Les quartiers populaires vivent sous des contrôles militaires permanents, les camions militaires sillonnent les rues des villes équatoriennes, et stationnent dans les carrefours. Pourtant les quartiers chics de Quito ou Guayaquil, où habitent les barons de la drogue (financiers investissant légalement dans toute l’ économie légale et en particulier dans les mines) continuent à vivre tranquillement. (voir article de Andres Tapia et Andres Madrid dans l’avant dernier numéro de Inprecor)… Et par ailleurs, crimes, enlèvements se sont poursuivis en février, en mars, récemment en avril…

NOBOA a besoin de remporter la victoire politique que représenterait un vote OUI aux 11 questions posées dans sa « Consultation populaire » du 21 avril. Obtenir le consentement de celui qui sera exploité, chassé, empoisonné, affamé, réprimé…c’est le rêve du néolibéral, accompagné quand même de l’ appareil répressif toujours indispensable en cas de mauvaise conduite de l’ opprimé.

Cette victoire lui permettrait de préserver et de renforcer ainsi dans les meilleures conditions la militarisation de l’Équateur et d’engager les plans et projets miniers qu’il s’est engagé à accomplir devant les investisseurs du monde entier en février dernier, ainsi que l’ensemble de la politique extractiviste dont sa famille est une des plus puissantes représentantes. Non seulement, il réussirait là où ses prédécesseurs n’ont que partiellement avancé, ( à cause en particulier des révoltes d’octobre 2019, de celles de juin 2022 ) mais il préparerait ainsi sa réélection dans les très prochaines présidentielles de 2025.

4) La participation de la Conaie, la principale organisation de masse du pays à la campagne pour le « 11 fois NON à la consultation populaire », est un facteur important pour tenter de faire obstacle aux plans destructeurs du néolibéralisme autoritaire. Elle n’est pas bien sûr la seule à mener cette lutte pour le « 11 fois NON ». Ainsi les forces populaires qui avaient mené aussi la lutte pour la préservation du parc Yasuni de l’ Amazone contre l’ exploitation pétrolière, lutte qui s’est terminée par un vote de plus de 60% en sa faveur dans le référendum d’ août dernier (résultat que Noboa veut maintenant remettre en question)… il y a maintenant, le parti qui se réclame de Correa, Révolution Citoyenne-RC, affaibli, (l’ex président est exilé au Mexique), mais avec une représentation parlementaire encore importante, qui vient de rompre le « pacte de gouvernabilité » qu’il a passé, dès l’ installation en novembre 2023 du nouveau parlement, avec la droite, le PSC (Parti Social Chrétien) et le gouvernement Noboa, après l’ affaire de l’ ambassade du Mexique. Noboa d’ailleurs, a provoqué (avec l’ affaire de l’ ambassade du Mexique) et se saisit à nouveau du fort sentiment anti-corréiste qu’il y a en Équateur, pour mener campagne pour le Oui à sa « consultation populaire ». Si l’ augmentation de l’ IVA à 15%, du prix de l’essence et du gaz, le manque d’investissement dans les écoles et la santé, pèsent sur les couches populaires, les sondages restent encore favorables au gouvernement Noboa.

Le résultat de la « consultation populaire », dont l’ issue en faveur du gouvernement faisait peu de doute jusqu’ ici, avec ce que cela voulait dire comme défaite pour les intérêts du peuple équatorien, est certes un peu plus incertaine, particulièrement en ce qui concerne les deux questions que nous avons soulignées plus haut (« Arbitrage international » et « contrat de travail précaire par heure »).

Si dans le conflit minier de Palo Quemado il y a eu pour l’instant une sorte de match nul, le succès est loin d’être assuré contre ce projet minier prédateur. Dans ce sens, il convient, dans le sens du Communiqué adopté par l’ Association France Amérique Latine , que nous multipliions les prises de position solidaires avec la résistance des paysans de Palo Quemado et Las Pampas , contre la répression, pour le droit à une consultation libre et informée telle qu’ elle est prévue dans la constitution équatorienne.

Jean P.

Document 1

Communiqué de FAL (France Amérique Latine) du 8 avril 2024 :

Équateur : FAL condamne fermement la violation de l’ambassade du Mexique à Quito

Document 2

Confédération des Nationalités Indigènes de l’Équateur – CONAIE

Quito, 05 avril 2024

Dire 11 fois NON à la Consultation de Noboa!

La consultation populaire de Daniel NOBOA, ne représente pas les intérêts du peuple équatorien.

Elle ne bénéficie pas au pays, elle est fait pour favoriser un agenda politique personnel de Noboa, une campagne anticipée pour sa réélection et les intérêts de grands groupes économiques.

Le gouvernement de Noboa n’a pas tenu ses promesses. Il a augmenté les impôts, il a augmenté l’IVA à 15%, l’essence,le gaz, le panier des produits de base est maintenant 50% plus cher, et il a réduit le budget de l’éducation à tous les niveaux, la santé et les services publics de base. Impulsant ses intérêts miniers, Noboa a entrepris une politique extractiviste agressive qui continue à dépouiller les peuples et les nationalités de leurs territoires, causant des dommages irréparables à la nature, emprisonnant les défenseurs des Droits démocratiques et criminalisant les leaders des communautés.

Toute la force de l’État doit se focaliser sur l’éradication de la délinquance et du crime organisé, mais la Consultation populaire est une manœuvre politique pour mettre en place de vieux projets des groupes économiques, comme la réforme du travail et le contrat par heure de travail qui flexibilise les droits du travail, favorise l’instabilité et la précarisation et cherchent à payer moins que le salaire minimum.

La réactivation de l’arbitrage international menace notre souveraineté nationale et favorise les entreprises transnationales, notre pays perdrait 2.426 millions de Dollars dans ces tribunaux. Chevron, responsable de nombreux attentats environnementaux, pourrait recevoir 2.000 millions de dollars, minant ainsi l’économie nationale et permettant que les transnationales puissent fuir leurs responsabilités.

Les réformes sur la sécurité proposées dans la Consultation populaire peuvent être proposées à travers l’ Assemblée Nationale ou les attributions présidentielles sans qu’il soit nécessaire de recourir à une dépense irresponsable de plus de 60 millions de dollars dans une consultation populaire qui n’est pas nécessaire.

La consultation ne met pas en avant les réformes structurelles du système de justice et de sécurité. La création de charges de juge spécialisées ne résout pas à la racine le problème de la justice : la corruption et la politisation. Il est urgent d’exiger une réforme structurelle qui garantisse une justice réelle et équitable.

La consultation populaire est une supercherie. Elle représente seulement un jeu politique pour favoriser les intérêts du groupe Noboa. Dites Non à la Consultation de Noboa !

Ne te laisse pas tromper, dis NON au mauvais gouvernement !

Conseil de gouvernement- Conaie-Equateur