Mardi 12 mars, Macron a provoqué un « débat » parlementaire sur une déclaration du gouvernement renvoyant au récent accord bilatéral franco-ukrainien. Cet accord ne contient aucun élément nouveau et ratifie une « aide » militaire française au montant falsifié – et plus que triplé, restant fort faible pour autant !- comme cela a été expliqué par le Kiel Institute et l’ISW (voir article publié par Aplutsoc le 10/03/2024). La France s’y prononce -ce qui n’est pas nouveau non plus – en faveur de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et à l’UE.
Il s’agissait en fait d’une manœuvre de Macron pour, sur la base de ses déclarations sur les prétendues « ‘troupes au sol » et le soutien « sans limites », cliver entre les forces politiques qui le soutiennent ou sont sommées de le soutenir, et les forces politiques montrant ouvertement leur choix pour la défaite ukrainienne et le partage impérialiste donnant toute sa prétendue part à la Russie, comme le propose par exemple J.L. Mélenchon. Cela, dans le but de se présenter comme « courageux » face aux « munichois » : une grossière manœuvre intérieure sur le dos du peuple ukrainien.
Le RN a esquivé la manœuvre et sort à nouveau grand vainqueur politique de l’opération macronienne. Il s’est affirmé ni pour ni contre et s’est abstenu, tout en se payant le luxe de prendre la défense du président français contre les propos scatologiques tenus à son encontre par l’ancien président russe Medvedev, une créature de Poutine en proie à une agitation chronique (et éthylique). Le message du RN à Macron est clair : « certes, nous sommes poutiniens, mais ce n’est pas le problème, tu as désormais besoin de nous et c’est avec nous qu’au niveau parlementaire, et peut-être plus qu’à ce niveau dans quelques temps, tu dois gouverner la V° République, dans son intérêt, et avant 2027, donc tu ne nous feras pas jouer le rôle des « munichois » pour lequel LFI et le PCF sont volontaires !«
LFI et PCF se sont en effet prêtés au rôle des principaux adversaires de toute aide réelle à l’Ukraine, l’orateur de la LFI, se situant clairement sur le terrain de la tradition impérialiste française par une référence appuyée à « De Gaulle, Mitterrand et Chirac » (!!), affirmant que toute ouverture de l’OTAN et de l’UE à l’Ukraine est une « ligne rouge inadmissible ». Il a donc les mêmes lignes rouges que Poutine. Car, quoi que l’on pense de l’UE et de l’OTAN, ces partis refusent toute liberté de choix, et donc toute souveraineté, à l’Ukraine, en lui interdisant de chercher les affiliations et alliances qu’elle peut, ou non, souhaiter.
Dans cette partie de poker menteur, les uns et les autres ont disserté sur la base des faux chiffres de la prétendue aide militaire française. Le vote pour était pour Macron, le vote contre pour l’impérialisme français avec Poutine, l’abstention du RN les deux à la fois. Des députés représentant la majorité sociale et démocratique de ce pays auraient refusé ce prétendu « débat » et se seraient trouvés dans la rue, aussi bien aux côtés des parents et enseignants de Seine-Saint-Denis affrontant ce gouvernement qu’aux côtés des ukrainiens et des internationalistes combattant pour une aide véritable.
Telle est la principale leçon politique de cet épisode : l’Assemblée nationale, même avec son absence de majorité et son chahut, n’est qu’un théâtre d’ombre, la feuille de vigne nécessaire à un exécutif moribond.