
Alexis, pourquoi es-tu candidat aux départementales dans ton canton ?
D’abord je suis issu d’un courant politique pas franchement rompu, à de notables exceptions, à l’action électorale, particulièrement locale, puisque ma première adhésion était à la LCR comme membre fondateur du NPA.
Pour autant, ma formation militante s’est faite en grande partie à Clermont, ville d’Alain Laffont, conseiller municipal d’opposition de gauche durant de nombreuses années, mais qui ne négligeait jamais de faire barrage à la droite. Les programmes de Laffont ne se limitaient pas à des propositions propagandistes, mais étaient construits dans la connaissance du terrain, lui qui été un médecin reconnu dans le quartier nord de Clermont.
Et puis je suis attaché à la commune d’où je viens, Saint-Germain des Fossés, cité cheminote marquée par la Résistance et le syndicalisme cheminot notamment, mais qui est aux mains de la droite depuis 1965, en ayant pourtant longtemps voté à gauche aux élections nationales.
L’Allier est aussi un territoire où la gauche historique socialiste et communiste a eu un rôle structurant.
Je m’étais donc retrouvé candidat en 2014 sur une liste de gauche à Saint-Germain, nous arrivions à la fin d’un cycle. Je crois pouvoir dire qu’en 2020 nous avons réussi à renouveler et à reconstruire quelque chose.
En effet dans le cadre d’une liste citoyenne «sans étiquette», rassemblant d’abord des femmes et des hommes qui voulaient s’engager dans la vie locale pour changer les choses, avec un programme concret et clair, et avec aussi des syndicalistes, des gilets jaunes, des militants politiques, associatifs… nous avons, malgré l’atomisation de la gauche dans le bassin de Vichy, pu tenir la barre sur Saint-Germain.
Dans ce contexte, en étant désormais conseiller communautaire de Vichy, et donc conseiller d’opposition à Saint-Germain, j’ai une certaine visibilité au niveau local.
J’ai donc été sollicité pour être candidat titulaire sur mon canton. Ma binôme est à Europe Écologie. Comme moi, elle s’est unanimement imposée comme titulaire.
Étant aujourd’hui non encarté, «divers gauche», je suis assez satisfait de voir que des candidatures ont pu émerger dans le canton sans être prises dans des négociations d’appareils.
Quel est le sens politique de ta candidature ?
Il y a un enjeu, c’est évidemment de lutter contre l’hégémonie de la droite locale : reconstruire une perspective pour celles et ceux qui n’ont plus confiance, ni dans les organisations historiques, ni dans quoi que ce soit et qui n’y croient plus, que personne n’écoute.
Même si ça fâche parfois et que ça gêne aux entournures parce que je suis très indépendant des organisations politiques, et que je dis ce que j’ai à dire, même si ça ne plaît pas, j’essaye d’agir sur une ligne claire tout en faisant, de fait, le trait d’union avec des militants de différents courants politiques.
Nous avons besoin de reconstruire à la base, en étant au plus proche de la réalité quotidienne des gens, en les écoutant. Cela ne se fait pas sur une campagne électorale ou seulement dans des conseils, mais sur le temps long, en remettant aussi en cause les certitudes et les vieilles pratiques politiques dont plus personne ne veut. Les gens ne veulent plus de la pure gestion, ils veulent des ruptures, des mesures qui améliorent leur quotidien. C’est ce que nous essayons de porter.
Le mouvement des gilets jaunes a montré qu’il fallait ouvrir grand les portes, cesser le dogmatisme et confronter les idées et les méthodes !
Globalement, si je peux continuer d’être un poil à gratter de la droite locale (mais pas seulement de la droite…) et donner de la visibilité à un autre discours, c’est une étape importante, pour continuer de rassembler.
Mais alors quelle est la situation locale ?
Honnêtement, la crise des organisations traditionnelles du mouvement ouvrier autant que la décomposition des mouvements «gazeux» est plus avancée encore dans le bassin de Vichy que dans beaucoup de territoires, et il y a chez beaucoup une perte de repères, y compris chez des militants.
En face, la droite de l’agglomération, centralisée à Vichy, ville qui n’a jamais été à gauche depuis la Libération, se place en situation de domination totale. Mais en vérité, cela peut être fragile si l’on s’y penche. La droite, c’est de la communication permanente : greenwashing, pseudo intérêt pour le mal-logement, modernité… Mais sous cette couche, c’est le mépris social, les yeux fermés devant les marchands de sommeil qui sont sous leur nez, la fidélité à Laurent Wauquiez, les amitiés avec un maire d’un autre bassin qui prive les enfants de nourriture à la cantine quand il y a des retards de paiement ou fout un syndicat dehors de son local… Qui prête des salles à l’Action Française car il n’y aurait pas de risque d’atteinte à l’ordre public, mais qui interdit à des militants de distribuer des tracts sur la voie publique… et le mépris total pour les courants minoritaires dans les conseils.
C’est aussi une droite qui pratique à plein la dépolitisation et le clientélisme, particulièrement dans les communes plus petites de l’agglomération en mettant à sa botte des élus au départ «sans étiquette» sincères ou de gauche opportunistes.
Et quelles perspectives ?
Celle de patiemment reconstruire en étant attentif au fait que les événements peuvent rapidement s’accélérer, car il y a une colère et un sentiment réel d’abandon.