La FSU est impactée, comme tous les syndicats, par la volonté de Macron de mener une offensive montant l’âge de la retraite à 64 ou 65 ans. S’ajoute pour elle l’offensive du même Macron consistant à faire croire à une augmentation des salaires des enseignants tout en utilisant la précarité (contractuels) et les modalités annoncées de cette « hausse » pour casser la fonction publique de carrière et de concours.

A cet égard, la réponse immédiate de la FSU à la lettre adressée par le président aux personnels de l’EN lundi 19, qualifiant celle-ci de « provocation », est éloquente. Et s’ajoute la réforme annoncée du Lycée professionnel, qui vise en résumé à le transformer en Centres d’apprentissage patronal. Il est important de savoir que ces offensives sur les salaires et l’enseignement professionnel sont pilotées directement et ouvertement par Macron, N’diaye n’étant qu’un faisant fonction. Macron, sur ces deux sujets comme sur les retraites, tente de manière risquée de rétablir son pouvoir fragilisé.

Le CDFN de la FSU des 20-21 septembre a montré, positivement, la tendance à la recherche d’une réponse centralisée, à travers les projets de grève des LP soutenue par toute la FSU (et dont le contenu peut être explosif pour des secteurs de la jeunesse), l’évocation d’une grève de l’EN avant ou juste après la Toussaint, et la volonté de s’affirmer comme force invitant toutes les organisations syndicales à dire « Non » à l’attaque annoncée sur les retraites. En même temps, les syndicats de la FSU n’ont pas centralisé les nombreuses luttes locales de la rentrée, ayant toutes les mêmes causes (nationales), et souvent organisées par ses militants, et cette tendance à la centralisation contre ministère et pouvoir en place n’est pas portée à son aboutissement, la FSU s’intégrant aux journées d’action dans l’organisation desquelles elle s’aligne généralement sur la CGT. D’où le fait que la forme prise par les débats sur l’action à mener en son sein, tourne autour de la journée d’action du 29 septembre et des interrogations sur la « marche de la NUPES » (moins le PCF) du 16 octobre, engluant cette recherche d’un affrontement centralisé.

Le rapport entre syndicats, appareils syndicaux et larges masses n’est plus celui d’un mouvement naturel et spontané systématique de celles-ci vers les syndicats existants. L’irruption des Gilets jaunes a été à la fois révélatrice et étape qualitative de cette évolution. Mais dans le cas de la FSU, constituée principalement de syndicats de métiers (ou parfois de ministères comme dans l’enseignement agricole) encore dotés de réseaux significatifs à la base, cette distanciation est moins importante qu’elle ne l’est globalement. Le meeting de lancement de sa campagne pour les élections professionnelles de la Fonction publique, qui doivent se tenir en décembre, l’a bien montré : sous le slogan « pour la FSU il n’y a pas de petites victoires », c’est en effet un nombre impressionnant de « petites victoires » de terrain qui a pu être présenté, et il aurait été possible de continuer ainsi pendant des heures et des heures.

Ce même meeting a été conclu par Benoit Teste par un appel plus « central » à combattre la destruction des Lycées professionnels, et ponctué de mises en cause de la loi dite de transformation de la Fonction publique (loi Dussopt, août 2019), sans aller jusqu’à mettre en avant son retrait (qui figure dans les mandats de la FSU), mais en disant, ce qui est vrai, que pour l’instant les représentants et commissaires paritaires des syndicats de la FSU assument la volonté des personnels de préserver un minima de « transparence » en train de disparaître. C’est dire, en creux, que l’existence des syndicats de la FSU et de la fédération est en tant que telle un obstacle à la destruction de la Fonction publique, et sont donc une cible pour le pouvoir et le patronat.

Il y a donc une place particulière de la FSU, historiquement héritée, même si elle ne lui est pas identique, de celle de la FEN, et incluant le droit de tendance, significativement abordé, comme une donnée spécifique et historique positive, dans le dernier bulletin Unité et Action du courant majoritaire de la FSU de septembre 2022 (et qui, significativement aussi, n’existe pas au niveau du SNUTER-FSU qui se veut la « FSU territoriale » dépassant le cadre de fédération unitaire historique de l’enseignement public qu’est celui de la FSU).

Il s’ensuit qu’aux élections professionnelles de décembre, c’est une erreur que de considérer que la force du syndicalisme dans l’enseignement public peut être portée par des votes « radicaux » pour la CGT, SUD ou par ailleurs pour FO. Ceux-ci portent dispersion et émiettement. La FSU garde dans ses statuts le projet de réunification syndicale issu de la FEN. Aujourd’hui, ses principaux secteurs envisagent, sans trop le dire, une intégration à la CGT comme avenir possible, mais ressentent l’état actuel de la CGT – et l’existence de la CGT-Educac’tion -comme une difficulté sur cette voie. Significativement, des listes communes aux élections professionnelles ont été réalisées, autour de la FSU hégémonique ici, avec CGT-Agri et SUD dans l’enseignement agricole, ainsi qu’au Ministère du Travail, mais pas à la Justice où la fédération CGT de fait utilise la fusion des instances induites par la loi de « transformation » de Dussopt-Macron pour envisager d’écraser le syndicat FSU majoritaire dans la Protection Judiciaire de la Jeunesse.

Le 16 octobre a essentiellement été, dans ce CDFD, un élément perturbateur compliquant la recherche objective de centralisation contre le pouvoir qui traverse la FSU. Les représentants de la FSU, souvent de culture idéologique « gauche radicale et écolo » pour le dire vite, se sont rendus dans un état d’esprit participatif aux réunions impulsées par la FI sur cette manifestation, et en sont ressortis complétement échaudés, pour ne pas dire énervés (Paris, Lyon, Marseille). Si la position du PCF a une part dans la réticence manifestée, elle n’en est pas le facteur principal. Comme l’a exprimé Benoit Teste, « on a peur de se retrouver sous une tribune géante réservée à Mélenchon ». Les tendances antisyndicales, populistes et bonapartistes de la FI sont perçues. La volonté de participer au 16 octobre est venue de la direction de l’EE. Au final, un texte chêvre-chou n’exclut rien tout en ne préconisant rien. Mais la fonction principale de ce débat est de se substituer à la discussion de comment le syndicalisme doit prendre ses responsabilités, jouer son rôle, en unifiant, généralisant et centralisant – ce que les appareils syndicaux ne font pas, au contraire.

Notons que les interventions sur « la montée de l’extrême-droite et des idées racistes », de la part de militants de toutes tendances, présentant cette question comme une sorte de menace extérieure dont il faut à tout prix « prendre conscience », mais sans arriver à en relier l’analyser à celle de la situation politique et sociale d’ensemble, sont aussi un élément classique de dispersion, la « lutte contre l’extrême-droite » ne pouvant être un domaine spécifique à traiter à part du reste.

Dans la Commission « droits et libertés-international », le besoin s’est exprimé d’imposer une place plus importante dans les ordres du jour aux questions internationales, en raison de la guerre de Poutine contre l’Ukraine. Un syndicalisme se réarmant mettrait ce point en tête de ses préoccupations. Ce n’est pas plus le cas à la FSU qu’ailleurs. Mais ce l’est peut-être un petit peu moins en raison des interventions de militants liés au RESU (dans lequel, il faut le dire, Solidaires est plus engagé). Un point fort de cette réunion a donc été l’adoption de la motion proposée par la Section départementale de l’Allier à l’unanimité (124 pour et un NPV), seul vote unanime précisons-le :

« La FSU apporte son soutien au militant antiraciste Maksym Butkevitch, actuellement détenu par l’armée russe, et exige sa libération et, de façon immédiate, que le lieu de sa détention soit connu, que le statut de prisonnier de guerre et son intégrité physique soient garantis. »

Si le sujet, présent dans les esprits comme partout, n’a pas la place qu’il faudrait dans les débats et les campagnes syndicales, les positions clairement campistes et anti-ukrainiennes sont cependant, comme telles, faiblement exprimées. Elles n’émanent pas d’Unité et Action, qui n’est rien d’autre aujourd’hui que le label des appareils dirigeants et des principaux réseaux militants de la FSU et nullement la « tendance stalinienne » que fut son ancêtre (à cet égard, certains camarades, comme les campistes, sont restés accrochés à des identifications datant de plusieurs décennies). Dans le CDFN elles ont émané -timidement – de la tendance URIS animée par des militants du POID, intervenant pour que « l’argent aille aux services publics et pas à la guerre » et par là, appelant de manière détournée au désarmement des ukrainiens. Et elles apparaissent dans des positions totalement contradictoires à l’intérieur des publications d’Emancipation, entre la participation des militants lyonnais de ce courant au RESU et les réaffirmations proprement effarantes de Pierre Stambul pour qui il n’y avait guère de conscience nationale en Ukraine avant 2022, pour qui la Rus de Kiev était déjà la Russie et le « roman national » ukrainien est antisémite et fasciste, bref qui adhère aux représentations racialistes qui sous-tendent la menace génocidaire poutinienne. Tout ceci est assez hésitant et honteux à vrai dire, ce qui veut dire qu’une intervention internationaliste organisée sur l’Ukraine et sur la situation mondiale pourrait avoir de plus grands effets que ce n’est actuellement le cas.

VP, le 21/09/2022.