La première conférence de presse nationale des initiateurs de l’appel au boycott des élections présidentielles s’est tenue mardi 11 janvier, en présence de deux médias, Médiapart et l’Humanité, dont on attend de voir ce qu’ils en feront. Son contenu est en ligne. Plus les évènements se succèdent, plus cette initiative se distingue par une qualité, en regard des campagnes des divers candidats relevant de la gauche ou visant à réunir certains d’entre eux : son réalisme.

La grève générale de l’enseignement public, réalisée le jeudi 13 janvier, pose la question d’un affrontement social semblable, généralisé à tout le pays, contre Macron et son régime, Macron qui vient d’annoncer qu’il mettrait fin à la « quasi-gratuité » (sic !) des études universitaires.

La recherche de l’affrontement social va s’approfondir et se poursuivre en pleines présidentielles : c’est dire que la masse du salariat, actifs, jeunes, retraités, chômeurs, n’est pas branchée sur elles !

Mais les faits relevant de la « campagne » proprement dite confirment eux-mêmes son inanité croissante. Le très relatif espoir de quelques secteurs à propos de la « Primaire populaire » et de la candidature « unitaire » de C. Taubira, sans même parler de son orientation politique réelle, est à présent douché : ladite « primaire » a pour visée de lancer cette candidature supplémentaire, sur fond de nouvelles convulsions au PS.

D’autre part, plusieurs candidats disent avoir un problème d’obtention des parrainages de 500 élus : Zemmour et Le Pen, ainsi que J.L. Mélenchon, et aussi P. Poutou. Le système des parrainages et le caractère plébiscitaire de l’élection se voulant au-dessus des classes, des partis et des élus, sont contradictoires. Il est probable que le seul de ces candidats à être réellement menacé soit Philippe Poutou, mais il est vrai que l’expression de telles craintes ne fait que souligner un peu plus le caractère antidémocratique de la totalité de ce scrutin.

Au moment précis où, après la grève générale de l’enseignement public, les signataires doivent se coordonner et des comités locaux pour le boycott doivent voir le jour, le groupe Dynamique populaire constituante, animé par Jacques Nikonoff qui est signataire de l’appel au boycott que nous avons contribué à initier, a eu une très mauvaise idée : s’adresser à Le Pen, Zemmour et Mélenchon disant avoir du mal avec la collecte de leurs parrainages, pour qu’ils boycottent la présidentielle !

Contre la « fuite en avant dans le présidentialisme », J. Nikonoff rêve du « tremblement de terre politique que représenterait l’appel au boycott de trois des cinq concurrents les mieux placés ».

Soyons sérieux : qu’est-ce que Mme Le Pen et M. Zemmour ? Ils sont l’expression de la quintessence de la V° République, les héritiers de leur composante fondatrice – celle qui a fait le coup d’État du 13 mai 1958 quand Le Pen père manifestait aux Champs Élysées pour l’Algérie française !

Qui peut s’imaginer les transformer en autre chose que des candidats à l’exercice le plus autoritaire et le plus raciste du pouvoir bonapartiste ?

Comme cela a été fort bien expliqué lors de la conférence de presse du 11 janvier, où, bien naturellement, les deux journalistes présents nous ont demandé comment on peut s’opposer à l’extrême-droite en boycottant la présidentielle : Le Pen et Zemmour (ainsi que M. Ciotti derrière Mme Pécresse ), représentent avec Macron l’expression achevée de ce que nous combattons, et que le boycott de masse peut le mieux affaiblir.

Nous ne misons sur aucun revirement de leur part y compris dans l’hypothèse de politique fiction où ils n’auraient pas leur nombre de signatures. Miser là-dessus, l’espérer, va à l’encontre des raisons démocratiques et sociales les plus fondamentales de notre appel au boycott.

Si le rêve de J.Nikonoff venait à se réaliser, alors il y aurait deux boycotts diamétralement opposés, et l’affrontement social et politique à l’issue de la présidentielle délégitimée serait leur affrontement, celui des partisans de la démocratie contre les partisans de la restauration de ce régime !

Son invitation s’adresse aussi à J.L Mélenchon, érigeant donc au-dessus des rapports sociaux, au-dessus des rapports de classe, une catégorie politique nouvelle, typiquement bonapartiste et présidentialiste : les « antisystèmes » où se retrouveraient populisme dit de droite et populisme dit de gauche.

Il n’y a pas plus de raison de croire à ce conte crapoteux pour enfant polisson qu’il n’y en avait de croire au conte doucereux pour enfant sage sur le caractère progressiste de l’alliance des défenseurs de l’Union Européenne telle qu’elle existe à gauche et au centre. Les prolétaires et les citoyens ne sont pas des enfants. Ils ne peuvent que se sauver eux-mêmes par leur boycott à eux ouvrant la voie à l’organisation de la démocratie contre l’ordre social et politique existant.

Certes, J.L. Mélenchon depuis le lancement de la « France insoumise » et sa campagne de 2017, est passé de positions réformistes de gauche au présidentialisme bonapartiste et gaullien le plus débridé, censé apporter la constituante et les lendemains qui chantent par la grâce du Chef. Il n’a pas gagné pour cette raison en 2017. L’inciter à faire « antisystème » dans un imaginaire boycott qui, de fait, n’aurait plus rien d’anti-présidentialiste, avec Mme Le Pen et M. Zemmour, n’est pas vraiment un ultime service à lui rendre !

Écartons résolument de telles fictions politiques résultant de schémas idéologiques qui, en se posant à côté de la lutte des classes, se retrouvent du même coup, qu’ils le veuillent ou non, en dehors du combat pour la démocratie et pour la souveraineté populaire.

Maintenant, il faut passer à l’organisation du boycott populaire, en même temps que les luttes sociales, dont celles des migrants et pour leur défense, et pour leur donner la perspective sur laquelle elles pourront affronter Macron et son régime.

Le 16-01-2022.