Présentation
Hanna Perrekhoda, militante révolutionnaire ukrainienne, originaire de Donetzk, qui poursuit actuellement ses études en Suisse, a écrit cet article, en français, en novembre dernier pour la revue américaine New Politics.
Article
Depuis le 9 août, le Belarus est le théâtre de protestations populaires contre la réélection, jugée frauduleuse, du président Alexander Loukachenko, au pouvoir depuis 1994. Les résultats de la présidentielle lui ont accordé un score triomphal de 80%. Cependant, ce chiffre ne correspond guère aux observations recueillies lors du dépouillement des votes.
Les témoignages audio et vidéo des fraudes électorales se comptent par milliers, attestant la réécriture des procès-verbaux, la substitution d’une urne par une autre, les pressions multiples sur les électeurs, les observateurs et les responsables des bureaux. Selon les évaluations des journalistes et des scientifiques, basées sur des données certes partielles, la présidentielle aurait été remportée par Svetlana Tsikhanovskaïa, candidate de l’opposition. Indépendamment des chiffres avancés qui peuvent varier considérablement d’une étude à l’autre, toutes les observations coïncident sur un résultat beaucoup plus serré que celui annoncé par la Commission électorale centrale bélarusse.
Des centaines de milliers de personnes sont alors descendues dans les rues le soir des élections pour contester ces résultats, considérés comme une fraude à large échelle. Les rassemblements réunissent régulièrement de 100 000 à 300 000 personnes à Minsk seule, devenant ainsi les plus grandes manifestations dans l’histoire du pays qui compte 8 millions d’habitants. Les manifestations se sont vite répandues à travers le pays. Depuis 3 mois déjà le Belarus est ébranlé par un mouvement contestataire populaire de large ampleur.
Les facteurs explicatifs de la mobilisation de masse sans précédent
Malgré le caractère pacifique du mouvement, il a été, dès le premier jour, violemment réprimé par la police antiémeute. La police a fait preuve d’une violence injustifiée en arrêtant délibérément de simples passants, des mineurs et des personnes âgées. Les personnes arrêtées ont été enfermées en surnombre dans des cellules minuscules, sans accès à la nourriture et à l’eau potable. Les détenus libérés sont nombreux à déclarer d’avoir subi l’humiliation et les tortures dans les centres de détention. D’autres allégations concernent des cas de viol, commis par le personnel pénitentiaire tant sur des femmes que sur des hommes.
Ainsi, la violence policière excessive et complètement disproportionnée envers les manifestants pacifiques, les arrestations massives et les tortures dont les détenus ont été victimes alimentent encore plus la mobilisation, en y entraînant les gens qui se considéraient jusqu’à récemment comme apolitiques ou même loyaux au régime.
Une autre raison qui s’ajoute à la colère populaire est la gestion inefficace de la pandémie de Covid-19 par les autorités biélorusses. À l’instar de Donald Trump et de Jair Bolsonaro, Alexander Loukachenko était longtemps dans le déni quant à la dangerosité de cette maladie, la traitant d’une simple grippe. En pleine pandémie, le président conseillait aux Bélarusses de se laver les mains à la vodka, d’aller au sauna et de boire de l’alcool pour « empoisonner le virus ». Loukachenko allait jusqu’à la négation ouverte de l’existence même du virus, en déclarant qu’il ne le voyait pas « voler par ici ». Le gouvernement a décidé de maintenir les festivités, les matchs de foot et de hockey et d’autres évènements publics dont l’habituelle parade militaire du 9 mai qui célèbre chaque année la victoire de l’URSS sur le nazisme.
D’une part, une telle attitude irresponsable de la part du président a fortement contribué à sa perte de crédibilité au sein de la population. D’autre part, la négation de la pandémie par les autorités et leur refus d’introduire des mesures de sécurité sanitaire ont amené les habitants du Belarus à construire les liens horizontaux de solidarité qui se sont avérés être d’une grande utilité pour le futur mouvement de protestation.
Outre ces causes immédiates qui ont amené les Bélarusses à défier le pouvoir, d’autres raisons, moins explicites, méritent d’être analysées. La dégradation rampante du niveau de vie pourrait en effet être considérée comme un des facteurs principaux qui ont rendu possible un mécontentement populaire d’une telle ampleur.
Malgré les stéréotypes qu’on retrouve dans la conscience populaire et parfois même parmi certains militants de gauche, le Belarus n’est de loin pas un pays socialiste. Élu en 1994 après la chute de l’URSS, Loukachenko avait effectivement mis un coup d’arrêt aux privatisations de masse. Ce retour partiel de l’État dans la direction de l’économie avait connu un succès parmi la population qui voyait le triste exemple des pays post-soviétiques voisins dont les économies ont été ruinées par le retour du capitalisme.
À ce jour, le Belarus continue de préserver certains attributs du système socialiste soviétique, en grande partie grâce aux larges subventions de la part de la Russie. Ces « dons » russes représentent à peu près un quart du PIB bélarusse. La Russie figure comme l’investisseur principal, mais aussi comme le débouché commercial quasiment unique pour l’économie biélorusse. La production bélarusse, surtout dans le secteur de l’agriculture, est exportée à 90 % en Russie. De surcroit, le pays tire profit d’un grand rabais sur le prix des hydrocarbures russes : Moscou autorise Minsk à raffiner du brut acheté à bas coût et de le réexporter en Europe au prix du marché. Le gaz russe lui est également vendu à prix d’ami. Grâce à ce soutien du « grand frère » russe, Loukachenko pouvait en effet « acheter » la paix sociale dans son pays. En échange, Poutine exigeait bien évidemment la loyauté économique et géopolitique totale du Belarus.
Cependant, rappelons-nous que Moscou est elle-même dans une situation économique et politique très délicate, surtout depuis son intervention militaire en Ukraine en 2014 et les sanctions des pays occidentaux qui l’ont suivi. La Russie n’a plus les mêmes moyens pour aider son pays-frère le plus fidèle. Pour continuer de profiter de l’aide russe, Loukachenko faisait recours au chantage, en menaçant Moscou d’un rapprochement avec l’Occident. Cette tension ne favorisait guère de bonnes relations entre la Russie et le régime bélarusse.
L’économie bélarusse dont la stabilité dépend beaucoup de son voisin oriental s’est retrouvé menacée. Les autorités biélorusses pensaient remédier à cette situation en introduisant de nombreuses mesures d’austérité et de réduction des droits sociaux. Ainsi, on assistait au sapement des bases mêmes du régime de Loukachenko. Jusqu’en 2020, une sorte de contrat tacite régulait les relations entre le gouvernement et la population – les Biélorusses étaient prêts à tolérer l’absence des libertés démocratiques en échange d’une sécurité sociale modeste. Alexander Loukachenko, désormais incapable de remplir ces obligations du garant de la stabilité économique, perdait progressivement sa légitimité politique. Le sentiment de mécontentement profond avait peu à peu gagné de larges secteurs de la population, tant dans les villes que dans les campagnes.
En somme, les fraudes électorales à large échelle et le refus d’Alexander Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, de quitter la présidence ont poussé plusieurs dizaines de milliers de personnes à descendre dans les rues. La brutalité policière alimente davantage la mobilisation, en y entrainant des masses de gens auparavant apolitiques. La mauvaise gestion de la pandémie de Covid-19 renforce également la colère populaire. L’appauvrissement de la population couplé au renforcement de violence d’État semble également contribuer à la justification de la révolte actuelle dans les yeux des Bélarusses.
Acteurs, revendications et répertoires d’actions du mouvement protestataire
Sûr de lui et bien connu pour ses attitudes machistes, Loukachenko n’a visiblement pas pris au sérieux la candidature de Svetlana Tsikhanovskaïa, une femme au foyer qui s’est présentée aux élections à la place de son mari, un blogueur emprisonné pour sa critique du régime. Sans aucune expérience d’activité politique ou publique, elle est devenue néanmoins le symbole de ce mouvement.
Ce n’est pas un secret que Loukachenko avait systématiquement mis en prison ou poussé à l’exil ses rivaux. Étant donné que tous les candidats potentiels étaient écartés de la sphère politique biélorusse monopolisée par Loukachenko, ils n’ont jamais pu participer aux élections et se faire connaître. Quant à Tsikhanovskaïa, elle déclarait publiquement que sa promesse principale c’est de permettre, une fois elle est élue, de quitter sa poste et d’organiser rapidement les élections libres et transparentes où tous les candidats puissent se présenter. Sa candidature aux élections était donc perçue, par elle-même et par ses partisans, comme un moyen d’effectuer les mesures nécessaires pour la transition démocratique du pouvoir dans ce pays enlisé dans l’autoritarisme sclérosé depuis un quart de siècle. Ayant ainsi nié publiquement ses ambitions politiques, la candidate a pu gagner un large soutien de la part d’une population méfiante vis-à-vis de la politique institutionnelle.
La contestation ne s’accompagne pas, pour l’heure, d’un programme politique et économique précis. Les sympathisants de Tsikhanovskaïa s’unissent autour de quelques demandes simples – la libération des prisonniers politiques, l’organisation de nouvelles élections et le départ de Loukachenko. L’opposition politique bélarusse, qui s’est imposée en tant que porte-parole de ce mouvement, est constituée d’un petit nombre de personnalités relativement connues, mais politiquement inexpérimentées. Dans leurs revendications et leurs prises de position, elles apparaissent encore moins radicales que les protestataires « ordinaires ». Peu nombreuses et devenues cibles des répressions, elles n’arrivent pas à assumer pleinement leur rôle de leaders du mouvement populaire. Menacée par le KGB biélorusse le lendemain du scrutin, Tsikhanovskaya s’est réfugiée en Lituanie. Six membres sur sept du praesidium du Conseil de coordination d’opposition sont en prison ou en exil forcé. Par conséquent, l’opposition politique organisée ne peut pas jouer de rôle important sur le terrain.
Il convient également de rappeler que la candidature présidentielle d’opposition était portée par trois femmes. Deux d’entre elles, Svetlana Tsikhanovskaïa et Veronika Tsepkalo sont mariées à des candidats écartés de l’élection présidentielle. La troisième, Maria Kolesnikova est l’ex-directrice de campagne d’un autre candidat, lui-même à l’exil.
Comme nous l’avions déjà expliqué plus haut, le président semblait ne pas avoir pris au sérieux la candidature portée par les femmes. D’après Loukachenko, Tsikhanovskaïa, Tsepkalo et Kolesnikova n’étaient que « trois pauvres filles qui ne comprenaient rien ». Durant la campagne, il avait fait plusieurs déclarations sur l’incapacité d’une femme à diriger le pays. Selon Loukachenko, la Constitution bélarusse « n’est faite pas pour une femme », tandis que la société « n’est pas mûre pour voter pour une femme ». Cependant, en 2020 cette image paternaliste et machiste cultivée par le président depuis 1994 s’est retournée finalement contre lui. Les femmes, surtout les jeunes, l’ont perçu comme une attaque contre leur dignité.
Les femmes sont très visibles et même mises en avant dans les protestations de rue. Les manifestations exclusivement féminines ont souvent lieu. Leur revendication principale serait de faire cesser les violences policières. Les photos des femmes de tous les âges, vêtues en blanc, brandissant les fleurs et se tenant les mains, ont été publiées sur les premières pages des médias bélarusses et internationaux. La « Femme bélarusse » est ainsi devenue le symbole du mouvement dans son ensemble.
Il serait pourtant abusif de considérer que cet élan féminin inédit représenterait un équivalent du mouvement féministe tel qu’on l’imagine souvent en Occident. Les défilés qui rassemblent des milliers des femmes n’avancent pas de revendications spécialement féministes. Cette mobilisation reste largement inscrite dans le cadre d’imaginaire post-soviétique qui essentialise les sexes en les attribuant des caractéristiques particulières. Dans ce sens, les femmes, en tant que « mères », sont perçues comme naturellement protectrices, sont dotées d’une fonction de pacification et de soutien à leurs hommes – copains, fils, maris, pères, etc. D’ailleurs, les manifestantes utilisent leur statut symbolique des femmes pour protéger les hommes en se mettant devant eux lors des affrontements avec la police. Il parait que la police bélarusse ne se permet pas de tabasser les femmes aussi violemment que les hommes. Une telle stratégie joue sur les stéréotypes sexistes que les femmes se réapproprient en leur faveur. Quoi qu’il en soit, une telle participation des femmes dans le mouvement social est une expérience précieuse d’auto-organisation et d’action collective. Elle pourrait certainement contribuer à une certaine prise de conscience parmi les femmes de leurs intérêts et de leur force.
Le mouvement de protestation a semblé prendre une tournure décisive avec l’annonce d’une grève générale le 11 août. Un grand nombre de travailleurs des secteurs de l’industrie, des transports, du commerce et des technologies de l’information se sont joints aux contestataires. Les médecins, les retraités, les étudiants, les gymnasiens, les enseignants sont également à l’avant-garde de ce mouvement.
Cependant, la grève générale annoncée peine à devenir une réalité, malgré une tentative de la relancer le 26 octobre dernier. La plupart de ces activités ne rassemblent pas à la grève au sens strict. Les travailleurs optent plutôt pour le mécanisme de pétitions ou de réunions spontanées dans les cours des usines. La production s’est complètement arrêtée seulement dans quelques usines. La peur de licenciements est palpable. Les arrestations des leaders de comités de grèves et des syndicalistes ainsi que les licenciements des grévistes découragent les indécis. Il s’y ajoute également la crainte, chez les travailleurs des entreprises d’État notamment, de privatisations massives qui impliqueraient la disparition d’emplois en cas d’arrivée au pouvoir de l’opposition pro-européenne et néo-libérale. Une telle perspective pourrait mener à la perte du marché russe et aux privatisations des entreprises étatiques.
Cette tentative de grève constitue malgré tout un évènement sans précédent pour le Belarus où durant les 25 dernières années le régime de Loukachenko détruisait méticuleusement tout mécanisme d’auto-organisation par le bas. La gauche biélorusse travaille pour introduire les mots d’ordre au contenu socio-économique et pour aider les salariés de défendre leurs intérêts, tandis que les représentants d’opposition semblent être assez éloignés de la vie des travailleurs. Constituée surtout de l’intelligentsia, le noyau dur de l’opposition biélorusse manque d’expérience, de détermination et surtout du recul critique vis-à-vis du discours libéral dominant le champ politique et idéologique des pays post-soviétiques. Son incapacité de tisser des liens avec les structures d’auto-organisation ouvrière, de prendre en compte les intérêts des salariés, d’articuler les revendications de justice sociale sont des obstacles majeures au succès du mouvement contestataire bélarusse. À titre d’exemple, la direction du Conseil de coordination d’opposition ne contient qu’un seul représentant des comités de grève, ce qui ne correspond guère au poids et au rôle des ouvriers dans le mouvement contestataire.
Une nouvelle Ukraine ? Contexte international et le rôle de la Russie
Malgré la grève et les manifestations aussi massives et longues, Loukachenko réussit toujours à rester au pouvoir. Une des raisons principales d’une telle vivacité de son régime serait certainement le soutien explicite de la part de la Russie. Vladimir Poutine a même déclaré qu’il serait prêt à déployer les forces de l’ordre au Belarus si la contestation y dégénère. Mais pourquoi la Russie serait-elle intéressée à soutenir un autocrate qui avait pourtant perdu toute légitimité politique tant aux yeux des Bélarusses qu’au niveau international ?
Le réflexe, à Moscou, est de porter secours à son voisin essentiellement par crainte de l’effet domino. Plus que tout, le président russe craint que la contestation populaire se propage à son pays, alors que sa popularité est actuellement en baisse. Il est possible que Poutine décide d’apporter un soutien à Loukachenko en échange à sa dépendance, cette fois complète. Cependant, même si Loukachenko réussit à rester au pouvoir grâce à l’intervention russe, sa raison d’existence – son modèle basé sur le chantage politique et le marchandage économique – ne pourrait plus survivre.
Il serait également étrange que le soutien du Kremlin à Loukachenko ne provoque pas des sentiments anti-russes parmi les Bélarusses. En effet, la problématique « pour ou contre la Russie » était jusque-là quasiment absente du discours des contestataires. La nécessité du changement du pouvoir au Belarus était perçue par la population uniquement comme une affaire interne du pays. Les porte-paroles de l’opposition se limitent explicitement à une seule revendication – la destitution du président et l’organisation des élections libres et transparentes. À chacune de ses interventions, Svetlana Tsikhanovskaïa fait tout le nécessaire pour que le mouvement n’apparaisse pas comme antirusse. Pourtant, dans le cas d’ingérence russe, le conflit qui se déroule actuellement entre le gouvernement et la société bélarusse se transformerait sûrement en crise géopolitique grave.
Il n’est pas rare d’entendre une comparaison abusive, allant parfois jusqu’à l’amalgame, entre la situation actuelle au Belarus et celle de l’Ukraine en 2014. Tout d’abord, contrairement à l’Ukraine, le Belarus n’a pas de divisions régionales prononcées ou, en tout cas, une telle problématique n’a pas été exploitée par les politiciens pour mobiliser l’électorat autour des clivages régionaux réels ou présupposés. Le Belarus est le seul État, situé entre Russie et Europe, qui ne se trouve pas plombé par des séparatismes soutenus par Moscou comme c’est le cas en Moldavie avec la Transnistrie, en Ukraine avec la Crimée et le Donbass, en Géorgie avec l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud.
Ce petit pays ne possède pas non plus suffisamment de ressources afin de pouvoir, en cas de nécessité, prendre ses distances avec la Russie de Poutine. Comme nous l’avions constaté, son économie est orientée quasi exquisément sur le marché russe. De plus, ne possédant pas de gisements de fossiles ni d’autres matières premières précieuses sur son sol, le Belarus risque de rester longtemps dans une position de dépendance vis-à-vis des pays producteurs de gaz et du pétrole. Dans ce sens, sa marge de manœuvre est nettement plus étroite que celui de l’Ukraine en 2014.
Du surcroit, à la différence de la crise politique ukrainienne de 2014, l’Europe ne manifeste pas de grand intérêt de rapprochement avec le Belarus, tant au niveau économique que politique. L’Union européenne et l’OTAN semblent avoir reconnu depuis longtemps que le Belarus fait partie de la sphère d’influence russe. Contrairement à bien d’autres crises de légitimité politique qui ont eu lieu dans l’espace post-soviétique ces dernières décennies, il est difficile de trouver un quelconque indice de l’implication directe ou indirecte de l’Occident. Au contraire, les évènements dans ce pays semblent aller à l’encontre des intérêts de l’Europe qui se montre plutôt prudente dans ses relations avec la Russie depuis la crise ukrainienne.
La Russie semble en effet se diriger de plus en plus vers une solution « douce » : faire pression sur Loukachenko pour le convaincre de quitter son poste en lui garantissant une sécurité personnelle et une retraite tranquille dans la datcha quelque part en Russie. Elle semble pourtant vouloir contrôler de près cette procédure de transition. Le poste du président bélarusse devrait ainsi être attribué à une personne de confiance, fidèle à Moscou. Une telle stratégie comporte cependant un risque non négligeable. Quelque part, en optant pour cette option, Poutine admet involontairement que les mobilisations de masse peuvent, tôt ou tard, faire partir un président autocrate. Dans une situation actuelle, quand la population russe manifeste depuis des mois à Khabarovsk en défiant ouvertement le pouvoir poutinienne, cela devient un message extrêmement dangereux.
Conclusion. Solidarité internationale avec le peuple en lutte
La classe ouvrière est la seule force capable de résoudre la question du pouvoir dans cette situation de crise que le Belarus traverse actuellement. Elle est la seule d’en avoir la force et les instruments appropriés. L’auto-organisation des salariés s’est prouvé maintes fois être le meilleur moyen pour défier le régime autoritaire et garantir le succès du mouvement populaire de masse. Cette révolte de peuple bélarusse est légitime et mérite tout notre soutien. En Europe, comme ailleurs dans le monde, il est de notre devoir de soutenir les mots d’ordre démocratiques des manifestants et des grévistes et de se montrer solidaires avec la gauche bélarusse qui lutte pour mettre en avant les revendications au contenu social.
Plus que jamais, les classes populaires organisées du Belarus doivent prendre l’initiative en faveur de changements politiques et sociaux afin d’empêcher une récupération de ce mouvement réellement populaire par des forces opposées à leurs intérêts, qu’elles soient pro-russes ou pro-occidentales. Il est absolument nécessaire de s’opposer à toute ingérence étrangère dans les affaires bélarusses, que ce soit de la part de Moscou, mais également d’autres pays. Les Bélarusses ont le droit de décider eux-mêmes de leur avenir !
Hanna Perekhoda, solidaritéS Vaud
Publié dans le numéro de l’Hiver 2021 de la revue New Politics :
https://newpol.org/issue_post/belarus-the-peoples-fight-continues/