« Si la gauche n’est pas unie aux présidentielles, nous sommes fou-tus. »

« Mais l’unité avec ceux qui ont gouverné et nous ont mis là où on en est, pas possible ! »

« De toute façon, foutus pour foutus : t’as vu ce sondage qui donne le total gauche à 13 % ! »

« Oui mais d’abord c’est normal, vu que la gauche n’est plus la gauche, n’est-ce pas, et pourtant le second tour des municipales a montré qu’il y a des possibilités, regarde Marseille. »

« Donc pour l’unité avant de parler des personnes faut parler du programme, et d’ailleurs l’appel commun et le « plan de sortie de crise » soutenu par plein d’associations et, quand même, par la CGT, la FSU et Solidaires, il est pas mal au niveau programme. »

« Mais t’as les Insoumis qui te disent que tout est déjà dans l’Avenir en Commun et que seul JLM peut l’emporter ! »

« Oui certains n’apprennent rien et n’oublient rien non plus, mais il y a les réalités … »

« Quelles réalités ? Qu’il faut faire l’unité au niveau national façon Marseille ? Mais EELV c’est du vent, du centre-ville, et encore de grandes villes (et d’ailleurs, Rubirola, elle a été virée d’EELV parce qu’elle était unitaire) »

« C’est vrai qu’EELV ça fait penser aux Démocrates américains … et sont pas si écolos que ça si tu regardes bien … »

« Faut que l’unité procède des luttes sociales ! »

« Oui mais aux présidentielles faut bien un nom, au final ! »

« On nous impose deux noms : JLM et Jadot ! Et derrière eux, en plus, tous ceux qui veulent à tout prix un candidat pour témoigner mais pas pour gagner ! »

« En plus en embuscade sous JLM, t’as Ruffin, qui est moins usé, et derrière Jadot t’as Piolle. »

« Super ! un tandem Ruffin-Piolle ! »

« Pas possible aux présidentielles. »

« On est foutus, je te dis. »

« Mais dis-donc mon gars, c’est quand les présidentielles ? »

« Avril-mai 2022, autant dire demain matin ! On est foutus ! »

C’est ici qu’à Aplutsoc, nous intervenons.

Avril 2022, cela fait à ce jour un an et 8 mois. Regardons ce qui s’est passé depuis un an et 8 mois, soit depuis décembre 2018 : les Gilets jaunes, le mouvement de défense des retraites, la pandémie, le confinement, le chômage de masse qui arrive à toute vitesse, les États-Unis qui explosent (car il ne faut pas se limiter à l’hexagone).

Longs et riches, ces 12 plus 8 mois. Qui oserait prétendre que dans le même laps de temps devant nous toutes choses vont rester égales ? Voila qui serait manquer de réalisme !

Ceci dit, ces riches et denses évènements, qui vont – c’est cela le réalisme – continuer et s’amplifier, n’ont pas vu de recompositions politiques « à gauche » susceptibles de donner un débouché politique, c’est-à-dire une solution gouvernementale. C’est vrai, c’est là une donnée fondamentale de la situation, non pas française, mais mondiale.

Nous avons un héritage de vieilles organisations, issues du stalinisme, de la social-démocratie et de l’extrême-gauche, et d’autre part nous commençons à avoir un stock assez important de rénovateurs, renouveleurs, populistes, dépasseurs, partisans (soi-disant) de jeter le passé par-dessus bord, et tout cela forme un cocktail qui, à défaut de donner une perspective, paralyse celle-ci en termes politiques.

Ce n’est pas nouveau, c’est l’histoire des dernières présidentielles : une gauche officielle décomposée par sa politique « de droite », c’est-à-dire 100% patronale et capitaliste, que prétendait remplacer un mouvement charismatique rompant avec les racines du mouvement ouvrier pour « fonder un peuple », la FI. Résultat, second tour Macron/Le Pen.

Il est frappant qu’au niveau des appareils dominants, quels que soient les débats « programmatiques », on soit en train de prendre les mêmes pour recommencer, comme si, justement, il n’y avait eu ni Gilets jaunes, ni mouvement de défense des retraites, ni résistance sociale à la pandémie et à Macron.

Toutes choses égales par ailleurs, il est exact que des présidentielles maintenant reproduiront les mêmes phénomènes, avec une abstention encore plus massive, et une victoire très possible du RN pourtant tout à fait minoritaire dans le pays.

Mais ce constat n’est-il pas celui de la faillite de l’ordre social dominant et du caractère totalement anti-démocratique de la V° République et de ses élections présidentielles ? Au cœur de l’échec de Mélenchon en 2017, n’y a-t-il pas son choix délibéré de prétendre changer de régime en passant par ce régime, d’en devenir le dernier Bonaparte au-dessus des classes et des partis ?

Est-ce bien du réalisme que d’accepter ce cadre politique ?

Quand les Gilets jaunes ont déferlé le 17 novembre 2018 et les semaines suivantes, quand le monde du travail a réalisé le 5 décembre 2019, ils ont défié ce cadre et commencé à construire la démocratie, par en bas. Le réalisme passe par là.

Oh, nous ne prétendons pas que c’est évident. Mais soyons réalistes : y-a-t-il autre chose à faire ? Le réalisme, c’est comprendre qu’on ne prépare pas les présidentielles en préparant les présidentielles, mais en affrontant ce régime.

Centre politique d’analyses et de propositions, nous proposons de se rencontrer, le 13 septembre prochain, en « présentiel » comme on dit maintenant, à défaut en visio, pour discuter de la première chose à faire si l’on veut dessiner une perspective politique : l’action commune pour renverser ce régime par l’affrontement social et imposer la démocratie à tous les niveaux. Le débouché politique ne tombera pas du ciel, ni des chefs, il viendra de là.

VP, le 29-07-2020.