Le texte de présentation qui suit est adapté de la conclusion d’un texte de fond développé sur la révolution algérienne.

N’importe quelle manifestante, n’importe quel manifestant algérien, peut trouver très souhaitable l’élection d’une assemblée constituante souveraine. Mais dans l’immédiat, il va continuer à manifester en criant « système dégage » et en espérant et appréhendant à la fois les affrontements physiques de plus en plus prévisibles. De quoi ont besoin cette manifestante et ce manifestant ?

Il y a nécessité, pas seulement de chanter les charmes de la constituante, mais d’avancer concrètement des propositions pour sortir de l’impasse.

Est-ce si difficile ?

Reprenons : il faut renverser Gaïd Salah et compagnie. Et plus le temps passe plus :

  • la situation économique et sociale se dégrade et la faillite du pays approche : il faut conjurer la catastrophe imminente ;

  • les combines et les embrouilles pour une « transition » qui, par définition, ne transite vers rien du tout s’accumulent, même quand on parle en même temps de constituante ;

  • et la répression s’accroît, et tout à coup ils vont tirer, en masse, et on y pense tout le temps et on ne sera pas prêts pour autant …

Alors ?

Alors premièrement, s’il s’agit d’imposer la démocratie et une assemblée constituante souveraine, il est clair que ce n’est pas plus Gaïd Salah que ce ne pouvait être Bouteflika, qui va la convoquer. C’est au peuple lui-même de l’élire, en dehors des organes du système et donc de son appareil d’État.

Des comités d’organisation des élections constituantes, organismes de pouvoir populaire entreprenant la tache de réaliser ici et maintenant la démocratie, pourraient en même temps donner à l’auto-organisation, au bond en avant de l’auto-organisation, sa raison d’être, c’est-à-dire sa perspective politique (comme disait le Vieux : « A une certaine étape de la mobilisation des masses sur les mots d’ordre de la démocratie révolutionnaire, les soviets peuvent et doivent surgir »).

Donc, on ne fait pas que parler de constituante, on passe aux travaux pratiques et du coup ceci est un formidable accélérateur de l’organisation « soviétique » des masses.

Mais Gaïd Salah and co ne vont pas apprécier. Ne risque-t-on pas un bain de sang ?

Ni plus, ni moins (hélas, mais il faut dire la vérité) que d’ores et déjà, et plutôt moins en fait dans la mesure où les masses se renforcent.

En s’engageant concrètement vers l’élection de leurs représentants à tous les niveaux, en décidant d’assumer concrètement l’élection de la constituante, elles sont aussi confrontées à la nécessité de protéger leurs assemblées, d’envisager leur auto-défense et de se procurer, il faut le dire, des armes, et aussi de rallier ceux des militaires qui peuvent l’être, ce qui ne peut que découler de l’affirmation de leur cohésion et de leur organisation.

Ne prétendons pas indiquer ici une voie facile. Mais c’est sans doute la plus réaliste.

Il y a beaucoup de militants se voulant révolutionnaires. Les uns trouvent qu’une constituante ça ne fait pas assez révolutionnaire, les autres que c’est «le» mot d’ordre s’il est vraiment mis en avant sans compromission et atténuations. Les uns et les autres ont un point aveugle : la révolution est là et ils ne voient pas ce qu’elle implique.

Ce qui manque, c’est bien un parti, certes, car une force politique nationale donnant de telles perspectives à présent en Algérie serait une donnée qui modifierait la situation. On ne peut le faire exister ni en claquant des doigts, ni en trépignant sur le fait qu’il manque, qu’il manque, qu’il manque …

Il n’est pas d’autre choix que de mettre en discussion, en tant que centre de discussion et de propositions politiques, ce qu’il faudrait «dire aux masses» pour réellement les aider à donner forme à ce qu’elles portent en elles.

12-07-2019.