On ne compte plus les violences policières, mais un seuil a été franchi ces derniers jours. Le journaliste Romain Dussaux, attaqué à la grenade le 26 mai à Paris en l’absence de tout affrontement, est toujours entre la vie et la mort. Le dénommé Mirmand Christophe, préfet de son état, en Ille-et-Vilaine, justifie la charge par automobile, le gazage et les coups sur des manifestants et des journalistes à Rennes le 2 juin, ainsi que l’assaut d’un collège occupé par parents, enseignants et élèves pour en empêcher la fermeture voulue par l’État à la rentrée prochaine, à Saint-Malo : 11 enfants réfugiés chez les pompiers, dont 3 blessés. Notons que ce dernier événement ne concerne pas une manifestation contre la loi El Khomri, mais montre bien que les problèmes se généralisent et s’unifient, de part et d’autre : en bas on cherche l’unité pour imposer les besoins sociaux, en haut on s’énerve et on fait des forces de police le problème majeur de sécurité publique dans ce pays.

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Car la démonstration est faite : mi-mai, nous étions abreuvés de commentaires sur les casseurs et la « haine anti-flic », avec les images en boucle d’une agression, inadmissible, contre un véhicule de police à Paris en marge du rassemblement d’Alliance et du FN parrainé par Hollande et Valls place de la République – il apparaît aujourd’hui que les « suspects » arrêtés ne sont pas prouvés avoir été là, si ce n’est sur le témoignage d’un policier en civil … présent parmi les casseurs à ce qu’il semble. La démonstration est donc faite : c’est l’exécutif, c’est le gouvernement, le fauteur de désordre et de casse. Taper sur des enfants, voilà le prolongement du 49-3. Voila le régime de la V° République, aux abois.

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La vague de grèves et de manifestations contre la loi El Khomri continue envers et contre tout précisément parce qu’elle a mis au l’ordre du jour son caractère pleinement politique : elle affronte le gouvernement, le président et le régime, pour les renverser, imposer la démocratie – et le jugement des responsables, au plus haut niveau, de la violence et des atteintes aux droits, sociaux comme démocratiques.

La défense des libertés publiques est portée par ce mouvement.

La grève pour le retrait continue à s’étendre lentement, ayant gagné cette semaine les centres de traitement des déchets, se prolongeant dans les raffineries, ayant le soutien de milliers de groupes de militants, notamment CGT, qui agissent sur les centres logistiques et de transports, alors que ce sont à nouveau 30.000 manifestants au Havre, 45.000 à Marseille, qui ont défilé ce 2 juin. Grève aussi à Amazon et dans l’entreprise Bio Habitat …

Selon les médias, le gouvernement « lâcherait du lest » sur tous les secteurs afin de tenir sur la loi El Khomri et son article 2. Voire. Les manœuvres engagées avec la CFDT à la SNCF visent à faire passer les mesures gouvernementales, dont la possibilité d’aménagements locaux façon loi El Khomri. Le « milliard pour les profs » se ramène au mieux à 24 euros mensuels en plus dans les années qui viennent sous réserve que la hausse des pensions civiles ne l’annule pas. Etc.

Les rumeurs dans les mêmes médias sur FO qui serait disposé à renoncer au retrait pour des amendements à l’article 2 de la loi concernent maintenant aussi la CGT. Mais l’article 2, c’est l’inversion de la hiérarchie des normes, le cœur de la loi : le seul amendement possible, c’est l’inversion de l’inversion, le rétablissement de la suprématie de la loi, du code du travail et de la convention collective sur l’accord d’entreprise, autrement dit : le seul amendement possible, c’est le retrait.

La CGC réclame maintenant le retrait du projet El Khomri. Le secteur sidérurgie de la CFDT également. La volonté de monter à Paris en masse le 14 juin s’annonce. Il s’agit d’ailleurs aussi de monter au centre pour imposer silence et respect aux provocateurs policiers. Le tapage sur l’euro de foot opposé à la mobilisation commence à énerver. Le mouvement engagé connaît des fluctuations mais il ne s’arrêtera pas. Il est politique, il vise le régime.